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Classica # 262 (05/2024)


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Fra Bernardo FB1405799 

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Analyste: Philippe Ramin

 

Après les sonates anonymes des manuscrits de Klagenfurt (« Austrian Violin Music Around 1680 « , 2014) et de la British Library (« Catena Bohemimica « , 2O2O), la violoniste Veronika Skuplik et son complice Jörg Jacobi poursuivent leur exploration du répertoire viennois du xviième siècle. Pour ce dernier volume de leur trilogie, ils parcourent le recueil Sonotae unarum fidium consacré aux ostinatos, variations et danses. Autour de passionnants anonymes au style très marqué par Biber, le duo s'est intéressé à la fameuse Chaconne de l'empereur Leopold Ier qui ouvre et clôt le florilège et deux sonates non moins célèbres de Schmelzer. Le dispositif instrumental est sobre (pas de basse d'archet) mais fait appel à un orgue du xviième siècle successivement restauré par Arp Schnitger et Hendrik Ahrend. La gigue de la suite anonyme pour violon seul permet d'apprécier l'archet très éloquent de la violoniste et un sens aiguisé desrespirations musicales. Son jeu en scordatura est remarquablement fluide et aisé. Le sens dramatique et la sensualité du timbre trouvent un prolongement remarquable dans le continuo sobre et dense de son partenaire. Écoutons les appuis étudiés de la très développée Chaconne no 6 (anonyme mais l'oeuvre d'un maître) et ses chromatismes affligés, merveilleusement soutenus par l'habile contrepoint de l'orgue. Dévoilant très progressivement les jeux d'un instrument construit par Hermann Kröger en 1650, Jörg Jacobi manie les fonds avec discernement en éclaircissant son contrepoint dans la Sonate no 11 de Schmelzer ou en privilégiant un soutien plus vertical dans les danses, les douces attaques des flûtes rivalisant d'éloquence avec le pur chant du violon. Au fil de l'écoute, on apprécie davantage l'absence d'effets au profit d'un travail approfondi sur les places d'archet permettant au chant instrumental de se libérer. Les arpèges transparents de la fantasque allemande et de l'émouvante sarabande anonymes sont traités avec une rare délicatesse de phrasé. Interrogeant les origines de ce répertoire infiniment riche, les musiciens évitent de caractériser excessivement les danses, préférant explorer des pistes expressives attentives au rythme harmonique et aux couleurs des intervalles. Cette approche relativement rare sur la scène baroque contemporaine renforce la pertinence et l'originalité du projet. Ainsi Veronika Skuplik interroge-t-elle l'instrument du xvIIème siècle qui s'émancipe de son rôle d'instrument à danser et rivalise avec la voix. Ce récital passionnant nous fait découvrir un talent d'exception.

 


 


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