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Loïc Chahine Le répertoire pour luth a puisé abondamment dans la musique vocale. Il est donc juste que Roland de Lassus, maître parmi les plus fameux de son temps, ait été beaucoup transcrit. Evangelina Mascardi prolonge les arrangements anciens par les siens propres, et y joint des pièces de quelques autres compositeurs. Elle invite dans certaines pages un ou deux autres luths, multipliant ainsi les textures sonores. Nous éblouissent cette fois encore la beauté des timbres, une technique sans faille, le toucher d’une netteté exceptionnelle, la manière dont la musicienne habite la moindre mesure, sa verve rythmique. Écoutez le Passamezo d'Italye ad quintam (anonyme) : nul effet ostentatoire, mais un phrasé délicat, une fluidité envoûtante. Du corps absent se pare d une agogique très fine, de sorte que le tactus ne se dissout pas, les accords servant de points de repère à un discours dont sourd une mélancoIie altière ; si la mélancolie se fait plus brumeuse dans La nuici froide et sombre de Lassus (transcrite pour deux luths par Mascardi), les pages enlevées ont aussi leur tour - dans la malicieuse Gagliarda de Vincenzo Galilei, par exemple. Mascardi parvient à donner un charme fou à certaines mélodies (le Balletto de Jean-Baptiste Besard !) sans reléguer dans l’ombre ses comparses. Le Contrappunto sopra Susanna un jour de Giovanni Antonio Terzi (1560-1612) et son petit luth soprano, flottant sur les fondations harmoniques posées par le luth ténor, finit par avoir des accents incantatoires, quand le Balletto alla francese qui suit, tout en souplesse, a l’allure d'une souriante confidence. La Fantasia d’Alfonso Ferrabosco qui clôt le programme allie avec une science confondante Iignes de contrepoint et accords, dans un équilibre classique sans ascèse. Toujours, au détour d'une phrase, un accent inattendu, une inflexion infime, un accord autrement arpégé, un ornement plus furtif viennent relever le discours. Ils lui confèrent cette sprezzatura, cette fausse négligence, cette spontanéité (en réalité savamment étudiée) si chère aux théoriciens de la Renaissance. Écoutez seulement The Lord Viscount Lisle his Galliard de Dowland, pièce inspirée de la célèbre chanson de Lassus Susanne un jour : la plus parfaite conduite avec l'air d'une improvisation. L'album emprunte son titre à une villanelle (dont la joyeuse transcription pour trois luths ouvre le programme) : Je te voudrais conter... Oui, Mascardi est une conteuse comme la Renaissance en donna tant.
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