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Diapason # 727 (11/2023)
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Analyste: Guillaume Saintagne

 

Après les morts soudaines et rapprochées de Lully et Quinault, l'Académie royale de musique se cherche de nouveaux champions. Henry Desmarest remporte un franc succès avec sa Didon (qui devrait bientôt faire l'objet d'un enregistrement) sur un livret de Louise-Geneviève Gillot de Saintonge. Cette Circé, nouvelle héroïne du duo, connut un succès honorable et aurait pu faire de Desmarest l'héritier du Surintendant, si l'amour ne s'en était mêlé, notre compositeur préférant fuir la France pour convoler avec celle qu'il aime.

On chercherait néanmoins en vain dans cet opéra un écho du rocambolesque avenir de son auteur. Le livret n'offre que de timides rebondissements et une poésie simplette.

Sa seule originalité est d'établir dès le début qu'Ulysse n'est pas amoureux de Circé, attirant d'autant plus de sympathie pour la magicienne.

 Sur le versant musical, l'héritage de Lully est lourd à porter et rien ne vient surprendre l'auditeur, à part une très belle scène du sommeil (s'inspirant sans la copier de celle d' Atys ) et une Ouverture dont les promesses seront déçues. L'allégeance au vieux maître, qui plut tant à l'époque, serait-elle un défaut pour nous qui aimons saisir l'originalité, entendre l'innovation dans l'histoire de la musique ?

Pour animer ces quelque trois heures et demie de musique, les artistes font preuve de plus de soin que d'énergie. A commencer par un orchestre excessivement poli et sage, au point que même les démons des enfers signalent leur bonne éducation.

Difficile pour les chanteurs de faire vivre le drame dans ces conditions.

Nos oreilles françaises ont beaucoup de difficulté à entendre autre chose que l'accent exotique d'Ulysse, et bien du mal à comprendre ce que chante Astérie. Elles se consolent avec l'élégance et le timbre profond de l'Elphénor de Jesse Blumberg. Mais il suffit que Lucile Richardot chante pour que soudain le théâtre fasse irruption : éloquence, intelligibilité, stature, feu. Ses interventions forment une brillante cantate. Difficile de choisir entre cette version et celle, guère plus réussie, des Nouveaux Caractères (CVS, cf. no 721).

 

 


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