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Classica # 256 (10/2023)
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Analyste: Philippe Ramin

 

Flamboyance méridionale


Francesco Corti part sur les traces de Frescobaldi éclairé par l’esprit d’innovation du début du xviie siècle.


En nous invitant au voyage, Francesco Corti en évoque plusieurs aspects : la circulation des manuscrits à travers l’Europe, les éditions qui mettront en lumière un compositeur loin de sa patrie d’origine et les pérégrinations du musicien dont la carrière est soumise aux faveurs d’une cour. Après des expériences diverses à Ferrrare, Mantoue et Florence, Frescobaldi est nommé en 1608 organiste de la basilique Saint-Pierre de Rome où il confirme une réputation éclatante de maître des claviers. Les préfaces de ses éditions attestent une conscience certaine de sa propre valeur et soulignent les innovations expressives et techniques. On y trouve des solutions d’exécution parfois éclairantes ou singulièrement confuses comme le rappelle Francesco Corti.


Dans ce très riche programme, dont certaines pièces ne sont disponibles qu’en version dématérialisée, le claveciniste inscrit des œuvres de compositeurs de la génération précédant Frescobaldi ainsi que des contemporains très rarement joués comme Scipione Stella ou Francesco Lambardi, soulignant ainsi la synthèse qu’a su opérer le maître de Ferrare, notamment dans le domaine de la variation. Le thème de La Romanesca de Stella est peut-être encore plus audacieux et raffiné que celui de Frescobaldi mais les variations sont loin d’égaler l’ambition de ce dernier. Parmi ces compositeurs méridionaux, Corti accorde une large part au fantasque Giovanni de Macque dont les foucades conviennent au jeu direct et inspiré du claveciniste. Écoutons la coda délirante qui conclut l’audacieux Capriccio sopra  re-fa-mi-sol où le jeu est flamboyant, d’une séduction irrésistible. Face à une telle fantaisie la langue de Frescobaldi pourrait paraître presque fade mais Corti sait débusquer l’humour derrière le contrepoint savant. Il livre ainsi une vision très extravertie de la Toccata Nona commentée par Fresco[1]baldi lui-même : «On arrive à la fin non sans fatigue…». L’organisation structurelle de la pièce entière, les polyrythmies finales d’une précision diabolique forcent l’ad[1]miration. D’une manière générale Corti transmet formidablement l’énergie des caractères et dessine une ornementation souple et sauvage; là encore pas de simples subdivisions rythmiques mais des traits affûtés dans un tactus souple. En marge des pièces inédites, deux pièces emblématiques ont ici trouvé leur version de référence, les Cento partite et la Ciaccona de Bernardo Storace. Le claveciniste cerne à la fois la grande forme et son détail et impose l’attention à son auditeur. Le souffle de l’improvisation sublime les instruments italiens de Philippe Humeau dans ce projet très abouti.


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