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Diapason # 725 (09/2023)
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Analyste: Loïc Chahine
 

Le répertoire spécifiquement destiné au théorbe étant plutôt restreint, on peut s'étonner que l'œuvre de Giovanni Pittoni (actif vers 1660-1670), auteur de deux livres d' Intavolatura di tiorba avec basse continue, n'ait pas davantage intéressé les interprètes. De ce musicien ferrarais, on ne sait presque rien, si ce n'est qu'il s'appliqua à travailler l'instrument « jour et nuit pendant vingt-cinq ans », en autodidacte. Que jouait-il donc, outre ses propres œuvres ? Pour son premier disque solo, Nacho Laguna a imaginé que son illustre devancier transcrivait des pages de ses contemporains, comme Benedetto Ferrari - l'un des candidats à qui est attribué le célèbre duo « Pur ti miro » - ou Vitali.

 

C'est un air de ce dernier qui ouvre le programme. S'y révèle une sonorité raffinée et pleine, un toucher délicat et d'une perfection admirable. Tout l'album confirme cette attention portée aux timbres et aux articulations (les ornements !), et notamment Ingiustissimo amor d'Alfonso dalla Viola, pièce ici la plus ancienne (1542). Partout, les crescendos et diminuendos sont savamment mesurés, sans aucun effet de manche - jusque dans l'envoûtant Canarios improvisé avec maestria, d'autant plus séduisant qu'il évite les facilités convenues.

 

De là un disque aux teintes nocturnes, tout en frémissements, dont les emportements ne sont que plus expressifs. En témoignent le début de Quale ferisce de Vitali ou les percées du récitatif vivaldien magistralement transcrit et interprété qui clôt le parcours. La transcription du lamento Son ruinato, appassionato naguère magnifié par Le Poème Harmonique (« Il Fasolo », Alpha) chante et s'épanouit - pure merveille.

 

Laguna aborde les œuvres de Pittoni lui-même avec une grande liberté rythmique et une tempérance que ne lui aurait peut-être pas permis le jeu avec basse continue - le théorbiste a adapté les sonates pour son instrument seul. Il s'abstient d'effets trop guitaristiques pour conduire d'amples périodes rhétoriques, comme dans la Sonata XI du Livre I, un des sommets de l'album. On regrette seulement que l'interprétation demeure parfois un peu sage, rançon, peut-être, des trésors de finesse partout répandus. Un disque aux allures de bijou mat.

 



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