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Diapason # 725 (09/2023)
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Château de Versailles
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Analyste: Loïc Chahine

 

Folle ivresse

Dirigeant un orchestre à l'effectif exceptionnel en musique ancienne, Alexis Kossenko ressuscite une superbe fête sonore bourrée de raretés.

Douze premiers violons, presque autant de seconds, douze violoncelles, quatre contrebasses, cinq hautbois, six bassons : qui a dit que le baroque se jouait en petit effectif ? Dans la notice, Benoît Dratwicki rappelle que les musiciens rassemblés dans la fosse lors des spectacles donnés pour le mariage du comte d'Artois en 1773 étaient soixante-dix, et qu'ils étaient même huit de plus pour le « Concert français arrangé par M. Francœur […] pour le festin royal » qu'on entendit à la même occasion.

Ses quatre Suites sont ici intégralement restituées - Hugo Reyne n'avait gravé qu'une sélection (Fnac, 1993) - telles que le manuscrit les présente.

Si le surintendant François Francœur (1698-1787) s'est réservé la part belle dans cette compilation, il a aussi invité Rameau et une constellation de compositeurs pour la plupart oubliés ou peu s'en faut : Berton, Bury, Dauvergne, Granier, Royer, Trial sont de la fête, à l'exclusion des nouveaux styles - ceux de Gluck, Piccinni et Grétry - qui triomphaient alors sur les scènes parisiennes.

Epices « Notre première motivation était d'oser une formation que l'on qualifierait aujourd'hui de “symphonique” », écrit dans la notice Alexis Kossenko qui avoue que la « gourmandise se mua en ivresse ». Ivresse partagée ! En plus de l'évidente plénitude - particulièrement manifeste chez les cordes -, l'aplomb avec lequel la musique sonne nous frappe et nous ravit.

La richesse des sonorités est un perpétuel enchantement. Les cors naturels, peut-être, heurteront çà et là l'oreille de certains ; d'autres en goûteront les couleurs (et l'intonation) épicées, de même que celles des trilles aux intervalles volontairement amples (par exemple dans la Marche des Fêtes de l'Hymen et de l 'Amour de Rameau).

Sans tomber dans la quasi-objectivité d'un Rousset, le faste autorise le chef à ne jamais surjouer le théâtre mais à le laisser s'épanouir de lui-même. Les oppositions de masses trouvent un naturel soutenu par un phrasé toujours juste - comme la Chasse de Zaïde (Royer) foisonne !

 

Dramaturgies

Mais la réussite du projet ne se résume pas à son faste. Ecoutez le délicat Air lent d' Hylas et Zélis signé Bernard de Bury (1720-1785), avec ses charmantes clarinettes et ses accents si gestuels. Ce Rondeau gracieux des Surprises de l'Amour (Rameau) à la respiration idéale ! Ces chaconnes dignes de grands Rubens ! Deux s'enchaînent : celle de Francœur pour Le Prince de Noisy (1749), celle ajoutée par Pierre-Montan Berton (1727-1780) à Iphigénie en Tauride de Campra et Desmarest en 1761. La manière dont sont gérés leurs dramaturgies, leurs contrastes, appelle les éloges, tant elle se garde du surlignement facile.

L'Air tendre ajouté par Francœur à L a Rosière de Salency revêt l 'allure d'une splendide étude de timbres. L'Air gracieux de Louis Granier (1725-1800) se pare de teintes galantes du meilleur effet, tranchant avec la pétulante Entrée de chasseur de Dauvergne qui suit. L'usage des percussions est toujours équilibré et du meilleur goût - voyez l' Air marqué de Francœur, sa Contredanse .

Le bon goût, cette donnée si essentielle pour les théoriciens des XVIIe et XVIIIe siècles, si fuyante pourtant, voilà ce que Kossenko et ses musiciens maîtrisent au suprême degré et qui évite au festin de tourner à l'indigestion. Vous reprendrez bien une gavotte, un rondeau, un tambourin ?



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