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Analyste:
Loïc Chahine Bien avant Hofmannsthal et Richard Strauss, on eut l'idée de peupler l'île où Thésée abandonne Ariane. Dans le livret de François Baladud de Saint-Jean (1660-1721), celle-ci croise le roi des lieux et la reine des dieux, Bacchus a un rival nommé Adraste qui fait appel à un magicien nommé Géralde (!), et l'acte V commence « dans un grand salon » - ce qui n'empêche pas le ciel, à la dernière scène, de « s'ouvrir » pour laisser apparaître Mercure. On l'aura compris, ce n'est pas le poème dramatique qui fait l'intérêt d'Ariane et Bacchus (1696), mais bien la partition. Y abondent les monologues accompagnés - celui de Géralde au IV est particulièrement remarquable par ses changements de mesure. La Symphonie du sommeil , au III, envoûte par ses habiles suspensions. La structure en rondeau de la grande scène de sacrifice, qui tient lieu de divertissement à l'acte I, captive l'attention. Pour ne rien dire de tours mélodiques imaginatifs et d'une harmonie raffinée. Pour redonner vie à cette première tragédie en musique composée par Marin Marais seul - l'Alcide de 1693 voyait le musicien collaborer avec l'un des fils Lully -, Hervé Niquet, épaulé par le Centre de musique baroque de Versailles, a cherché à reconstituer « l'effectif et la disposition exacte de l'orchestre de l'Opéra vers 1700 ». Un orchestre profus (onze violons, quatre hautbois et autant de bassons, etc.), donc, avec un continuo abondant (un clavecin, deux théorbes, quatre basses d'archet) qui ne sonne jamais lourd ou massif et se tait dans les danses - option « musicologiquement informée » désormais adoptée également par György Vashegyi et Alexis Kossenko. Celles-ci prennent dès lors une couleur particulière, que magnifie un Concert Spirituel généreux, à la sonorité ronde et pleine. C'est le premier point fort de l'album, tant y subjugue l'inventivité de Marais et l'à-propos de Niquet. L'usage même des percussions cherche la cohérence plutôt que le décoratif. Comme l'orchestre, le chœur se couvre de gloire, admirable d'engagement et de ferveur. Au sein d'un plateau sans faille, Judith Van Wanroij brille par son incarnation : son Ariane au timbre soyeux est véritablement éperdue. Si le rôle de la Nymphe de la Seine dans le prologue ne semble guère lui convenir, Véronique Gens endosse idéalement celui d'une Junon vengeresse. Mathias Vidal campe un Bacchus sensible, aussi fin musicien qu'impliqué dans le texte - la partition ne lui offre pas de véritable occasion de briller. Qualités qui sont aussi celles de David Witczak en Adraste noble et outragé. Tous les seconds rôles - et ils sont nombreux - sont également bien tenus et chacun trouve la couleur idoine, se distinguant les uns des autres, qui fera passer sur tel port-de-voix un peu bas, tel aigu un rien tendu. Hervé Niquet a su trouver une intense continuité dramatique dans les enchaînements, évitant, malgré la brièveté de certaines pages, toute fragmentation - il en va d'ailleurs de même dans le phrasé qui ménage ligne et articulation. Malgré quelques reprises escamotées dans des pages instrumentales et trois danses coupées au dernier acte, une résurrection superbement menée. |
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