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Diapason # 721(04/2023)
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Château de Versailles
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Analyste: Loïc Chahine

L'Orphée de Clérambault chanté par une voix de basse-taille ?

C'est l'option que propose un manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale de France, copié vers 1720. Etienne Bazola ne nous y convainc pas. Malgré un timbre assez terne, le baryton possède une certaine assurance et une bonne articulation, mais la tessiture semble parfois le mettre en difficulté ; le grave manque d'assise, l'aigu d'éclat, la vocalise çà et là de fluidité, le tout d'intensité et de variété - variété qui fait également défaut à un continuo peu inventif (le théorbe est presque inaudible), dont la ligne de basse est trop peu présente.

Imaginé comme une suite à la célèbre pièce de Clérambault, Le Retour d'Eurydice aux enfers est une véritable trouvaille. Son auteur, Charles Piroye (1665-1724), élève de Lambert et Lully, était vanté par Titon du Tillet comme l'un des meilleurs organistes de son époque. Sa cantate sans bavardage fourmille d'inventivité et offre un rôle très développé aux instruments, y compris dans les récitatifs - la section intitulée Désespoir d'Orphée est saisissante. Le petit ensemble s'y révèle à son meilleur, le clavecin se faisant plus volubile, et tous se montrent idéalement réactifs. Fervent, le ténor Zachary Wilder met bien du soin à colorer les mots et remporte une totale adhésion.

Dans l'Orphée (1721) de Rameau, Eugénie Lefebvre, styliste impeccable, affiche aussi le goût et l'attention au texte qu'elle détaille et colore avec art, mais la voix sonne çà et là comme fatiguée (fin du petit air « J'ai pour témoin », par exemple). Espérons une méforme passagère, et retenons un vrai sens dramatique et rhétorique qui fait mouche tout au long de la cantate.

Si les instruments sont à la hauteur de l'engagement de la soprano, on regrette qu'ils cherchent parfois un peu trop midi à quatorze heures - le violon semble ainsi ne pas vouloir faire trop triomphant dans l'air « Que du bruit de tes hauts exploits », o ù certains motifs devraient rappeler la trompette. Inversement, certains moments sont bien prosaïques (« En vain par de nouveaux accords »). Et pourquoi, une fois encore, le théorbe reste-t-il tant en retrait dans « J 'ai pour témoin » ?

De la déception (Clérambault) à l'enthousiasme (Piroye) en passant par la demi-réussite (Rameau), l'album est donc inégal, et la note une moyenne.

 

 

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