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Outil de traduction |
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Analyste: Anne Ibos-Augé Enregistrement réalisé en décembre 2020 à l'Opéra royal de Versailles par Manuel Mohino. Quoique chargée et peu aérée, la scène sonore est assez définie. Les voix solistes se détachent au-devant de l'image. Grande homogénéité des couleurs mais sans beaucoup de relief. Ce Don Quichotte créé en 1743 s’inspire librement d’épisodes du second livre du Quijote de Cervantès. Dans la foulée des Amours de Ragonde de Mouret, repris à l’Académie royale de musique en 1742, et avant Platée de Rameau, ce petit « ballet comique » invite le burlesque sur la première scène lyrique française : un efficace tandem maître-valet (Quichotte trop idéaliste, Sancho parlant par proverbes), un magicien dépassé et son cortège de démons, une Dulcinée brillant par son absence mais symboliquement relayée par une paysanne gouailleuse et une héroïne un brin magicienne qui se révélera princesse japonaise. La partition de Boismortier se coule à merveille dans ce canevas prometteur. Les danses, vives et variées, s’enchaînent sans temps mort, émanant de la musique qui les précède. Forte d'une grande générosité mélodique, l'écriture coule finement de l'air au récit en diminuant graduellement sa matière (passage de la scène 2 à la scène 3 de l'acte I). Les divers lieux communs (airs sylvestres et amoureux avec flûtes et/ou violons, fusées et batteries accompagnées de bois pour la magie), délicatement maniés, sont enrichis d'une pensée contrapuntique (« Habitants de ces forêts », « Que jusqu'au tombeau »). Les surprises harmoniques soulignent les quiproquos (nombreux), les chœurs alternent verticalité et imitations (« Liberté, liberté ») ou se mêlent aux airs. C'est concis, efficace, drôle. Dans « Flambeau des cieux », un « traducteur » s'invite à la reprise, le Japonais rendant les paroles incompréhensibles en les hachant à l'extrême. Cet effet ajouté par les interprètes sonne-t-il un peu « trop » ? Qu'importe ! Ce Don Quichotte est un chef-d'œuvre dont Le Concert Spirituel offre ici un troisième témoignage : au disque de 1997 (Naxos), avait succédé le DVD du spectacle concocté par Corinne et Gilles Benizio, alias Shirley et Dino (Alpha, cf. no 642 ). La nouvelle gravure offre des voix mieux individualisées que la première, et pour certaines plus caractérisées - mention spéciale au Sancho truculent de Jean-Gabriel Saint-Martin. Le Quichotte de Mathias Vidal, à la déclamation impeccable, joue une sorte d'engagement fougueux premier degré qui fait mouche. En Altisidore, Chantal Santon Jeffery offre quelques moments de grâce, tel l'air « Habitant du Japon ». L'orchestre a gagné en rondeur, en souplesse, en équilibre. Il valait donc la peine de remettre l'ouvrage sur le métier. Et comme aurait dit Sancho, « quand on aime, on ne compte pas ». |
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