Texte paru dans: / Appeared in: |
|
Outil de traduction |
|
Analyste: Philippe Ramin Kinga Ujszászi et Tom Foster proposent également un parcours spatiotemporel par une visite de la collection de musique de la chapelle de la cour de Dresde qui, au xviiie siècle, faisait l’admiration de l’Europe entière jusqu’à sa destruction par les Prussiens en 1760. Une grande quantité de pièces instrumentales rassemblée et annotée par le violoniste Pisendel échappa à la catastrophe et fut soigneusement classée dans la «Schrank II » d’où le duo a extrait une douzaine de sonates héritières du style de Corelli et de Biber. La sonate de Johann Joseph Vilsmayr (1663-1722) emprunte à ce dernier la technique de la scordatura et celle de l’air varié où brillent l’intonation parfaite de la violoniste et l’élégante conduite harmonique de son partenaire. Cette introduction laisse entrevoir des capacités techniques élevées et une réalisation originale des plans sonores ; ici l’absence de basse d’archet ne nuit guère à la densité du discours. Pour illustrer le style de Gasparo Visconti (1683-1713), le duo maîtrise à la perfection ce discours fantasque proche d’un Tartini. Les soupirs de l’Adagio en ré mineur, les brisures de ton du Grave de Johann Friedrich Schreivo[1]gel (fl. 1707-1749) révèlent un rubato subtil, une manière de tendre la phrase jusqu’au point de rupture. Le second volume de
ce « Cabinet of Wonders » évoque les maîtres Giuseppe Torelli et Martino Bitti
(1660-1743) auprès desquels Pisendel apprit son instrument ainsi que quelques
compositeurs oubliés comme Henricus Albicastro (c. 1660–1730) ou Antonio
Montanari (1676-1737) dont le souvenir ne subsiste que grâce à son patient
travail de collectionneur. Inspirées par la sonate d’église de Corelli, ces
pages ont en commun des Graves développés où les recettes du maître romain sont
agrémentées d’épices nouvelles, notamment dans les Sonates nos 4 et 5 de Bitti.
Ailleurs l’audace harmonique de (probablement) Girolamo Nicolò Laurenti
(1678–1751) ou la vocalité d’Albicastro révèlent des tendances esthétiques en
germe, une sentimentalité touchante qui s’insinue dans la noble passacaille où
le grave du violon fait valoir de riches couleurs. Les bariolages du Presto (Albicastro)
évoquent la fantaisie audacieuse des sonates de Handel. Le Largo fourmille
d’idées rhapsodiques merveilleusement développées par les deux interprètes. Le
duo a questionné, comme beaucoup, les traités historiques sur l’art de
l’accompagnement et sur l’expression instrumentale, mais il transcende, par le
naturel de leur réalisation, les codes du style et propose des voies expressives
inédites. Cerise sur le gâteau la prise de son est un modèle du genre : elle
parvient en effet à un équilibre parfait entre les instruments et restitue
les timbres avec un réalisme saisissant.
|
Cliquez l'un ou l'autre
bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD
Click either button for many other reviews