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Diapason # 714 (09/2022)
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Code barres / Barcode : 3760213652829


 

 

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Analyste: Jean-Christophe Pucek

 

Un rêve. Celui nourri par Lillian Gordis d'enregistrer Bach à la Doopsgezinde Kerk de Haarlem - église où résonnaient les accords de Gustav Leonhardt, où se gravent ceux de Pierre Hantaï -, reflétant la volonté de s'inscrire dans une filiation. Le projet, réfléchi autant qu'émerveillé, s'est étoffé au point d'occuper deux CD généreux, de musique comme d'émotion.

 En ouverture, la Partita no 1, par le ton de confidence paisible de ses deux premiers mouvements, le jaillissement contenu de sa Corrente, la noblesse de sa Sarabande, convoque l'esprit de Gustav Leonhardt (seconde manière, Emi 1987), sans qu'il soit un instant question de copie ; la leçon a été digérée, mise au service d'une sensibilité pétrie à parts égales de flamme et de silence. Les inflexions de la Suite anglaise no 3 lancent ainsi quelques regards appuyés à Scarlatti, dans le flux du Prélude, bondissant comme sur les cailloux d'un ruisseau, dans les déhanchés des gavottes ; prise dans un geste ample qui suspend le temps, la grandeur tragique de la Sarabande impressionne autant qu'elle touche.

Le Prélude de la Suite anglaise no 5, recueil qui décidément lui réussit, offre à Gordis la possibilité de démontrer son sens inné de l'agogique ; les subtilités métriques qu'elle y introduit nourrissent une dynamique irrésistible, tandis que l'Allemande est d'un lyrisme délicat qui se teinte de mélancolie dans la Sarabande. On notera l'intelligence dans le choix des préludes et fugues tirés du Livre II du Clavier bien tempéré : les BWV 873 exacerbent les tensions jusqu'au farouche, les BWV 874 font revenir la lumière qui va éblouir dans la Partita no 4, dessinée d'un trait ferme, énergique (Ouverture) sans jamais hypothéquer la poésie - l' Allemande tutoie les sommets atteints par Pascal Dubreuil (Ramée, 2012) -, l'élégance raffinée, en rien poseuse (Aria, Sarabande).

Entre profession de foi et feuillets intimes, ce disque maîtrisé, épanoui, très personnel, confirme les promesses d'une claveciniste dont la discrétion n'a d'égale que le tempérament.



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