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Analyste: Loïc Chahine
Presque tous les mélomanes connaissent au moins une page des Fêtes d'Hébé : le célèbre Tambourin qui conclut l'entrée La Danse , sur lequel les doigts de maint pianiste en herbe se sont exercés. Mais la partition entière ? A côté de diverses Suites pour orchestre (dont celle de Brüggen, Glossa, Diapason d'or, cf. no 673 ) et une seule Entrée par Gardiner (Erato, 1979), l'unique intégrale était celle des Arts Florissants (Erato, 1997, cf. no 446 ). Basée sur la rigoureuse édition scientifique de la version de juin 1739 par Pascal Denécheau (qui signe la notice du présent album), cette nouvelle gravure prend en compte « la majorité des changements de 1747, 1749, 1756 et 1764 » et offre même - luxe suprême - la première version de l'entrée La Musique , restituée pour la première fois dans sa forme originelle. Tout un symbole, tant c'est la musique qui vaut ici le détour. Ivan A. Alexandre relevait déjà la faiblesse du livret, « dérisoire baliverne sur le thème des arts réunis par l'opéra (successivement La Poésie , La Musique et La Danse) ».
Certes, le second ballet de Rameau ne vous éblouira guère par les trois intrigues qu'il narre. Là où William Christie semblait nous tenir toujours à distance, György Vashegyi et ses troupes nous emportent par un engagement de tous les instants. Saluons d'abord l'Orfeo Orchestra, mieux capté que dans ses précédentes aventures françaises : un festin de couleurs, de rythmes diversement approchés, d'ambiances. Comparez la charmante Musette en rondeau pour Terpsichore , ses attaques comme effleurées, au Tambourin dont les contre-chants sont habilement soulignés, et les accents véritablement inquiétants - renouveler l'écoute d'un tel tube relevait de la gageure, et Vashegyi y parvient. Louons aussi le chœur, vaste comme l'était celui de l'Académie royale de musique, puissant, rond (même si çà et là telle individualité détonne légèrement). Tout cela donne bien des satisfactions, comme le sens de la continuité dont fait preuve le chef, ne laissant aucun temps mort sans pour autant presser inconsidérément le pas.
La distribution affiche dans l'ensemble des voix plus fortes que celles de Christie (chez qui Sarah Connolly faisait exception). Tous possèdent une grande maîtrise du style, tous déploient une énergie débordante qui fera passer sur telle tessiture un rien trop grave, ou sur tel signe de fatigue : la captation ayant eu lieu au milieu de la crise liée à la pandémie, certaines voix avaient un peu perdu de leur endurance, et il a fallu organiser les sessions en deux temps. Car un enregistrement d'opéra n'est pas qu'une accumulation d'ingrédients, il faut encore que la pâte monte, que la sauce prenne. Comme dans ces nouvelles Fêtes d'Hébé, qui « marchent » et s'imposent dans la discographie. |
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