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Analyste: Vincent Genvrin S'il existait un diapason pour les disques bizarroïdes, nul doute que celui-ci remporterait la palme : à l'affiche, un compositeur dont on ne sait rien, un orgue castillan déménagé en banlieue parisienne, un récitant, des percussions, un rossignol provençal en terre cuite, des « murmures siciliens », des ambiances de marché ou de pèlerinage… Et pourtant la musique demeure au premier plan, et celle de Bernardo Storace mérite vraiment le détour - sa Selva di varie compositioni d'intavolatura per cimbalo ed organo de 1664 nous apprend qu'il fut sous-maître de chapelle à Messine. Marouan Mankar-Bennis en détaille les beautés post-frescobaldiennes avec un art consommé, des pièces les plus profondes ( Passacagli, Recercar di legature ) aux plus démonstratives, ces dernières avec le concours d'un percussionniste survolté. Les instruments sont remarquables, notamment l'épinette de Jean-François Brun, au spectre d'une pureté étonnante. Vrai-faux « collectage patrimonial », ce patchwork fort subtil joue sur des affinités sonores déroutantes. Bien loin d'être anecdotiques, les bruits urbains qui séparent certaines pièces permettent de passer sans heurt d'un espace domestique peu résonnant à celui plus réverbérant d'une église. D'ailleurs, on ne va pas de l'un à l'autre sans parcourir des rues : la téléportation accompagnée d'une désagréable rupture d'ambiance, voilà ce qui est, en définitive, artificiel. Le disque classique s'aventure peu en dehors du pseudo-concert enregistré, et nous sommes tentés de dire : tant mieux. Pour s'y risquer, il faut l'imagination et le talent de Mankar-Bennis, qui nous offre en prime une petite méditation pascalienne sur la nature factice de nos chères galettes.
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