Texte paru dans: / Appeared in:
|
|||||||
Outil de traduction |
|||||||
Analyste: LE LUTH EN MAJESTE
Zuljan et Mascardi font rayonner leur
instrument dans deux splendides albums parsemés d'étoiles. Le hasard de l'actualité vient combler les amateurs de luth, avec la publication de deux superbes albums ! Ils mettent en perspective le crépuscule de la Renaissance et celui de l'époque baroque, véritables chants du cygne : Bor Zuljan se penche ainsi sur cette période singulière de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle précédant la tonalité. Evangelina Mascardi plonge dans les dernières splendeurs du luth en Allemagne durant la première moitié du XVIIIe siècle, avant son déclin puis sa disparition définitive de la scène musicale. L’importance du luth dans la production de Gesualdo reste confidentielle, occultée par ses six livres de madrigaux et par la réputation sulfureuse du compositeur : il Principe di Venosa fut ainsi loué par ses contemporains pour ses qualités d'excellentissime musicien. En l'absence de musique pour l'instrument signée par Gesualdo, Bor Zuljan recrée le possible monde sonore de ce personnage tourmenté, mêlant transcriptions de sa musique vocale, instrumentale, et oeuvres de ses pairs, dont Piccinini et Kapsberger. Audacieux, il plonge l'auditeur dans un univers de raffinements et d'étrangetés dès la Toccata Cromatica XII en ouverture de ce programme : ii faut écouter ce jeu en Tèchnicolor, basses profondes sur lesquelles s'élèvent des lignes délicatement ornementées, articulées et résonantes, jouées près du cheval avec les ongles. Quelle poésie ! L’interprète slovène surprend par ses sonorités, jouant un luth à quatorze choeurs doubles (montés sur boyau) avec un corps de style bolognais spécialement construit pour ce projet par le luthier tchèque Jiří Čepelák. Dans les pièces d'inspiration madrigalesque que l'on pourrait penser de prime abord hermétiques, où plane l'ombre de Luzzasco Luzzaschi, Bor Zuljan parvient à rendre lisible l'écriture malgré sa densité, entre chromatismes, frottements et dissonances, tout en magnifiant la structure - en témoigne par exemple la Canzon francese del Principe, sublime de progression et subtilement nuancée, qui maintient ses lignes de bout en bout. Une certaine âpreté se dégage de son jeu, qui enfièvre les élans et apporte de l'urgence jusque dans la lenteur. Sa puissance expressive captive et bouleverse : on n'en sort pas indemne.
Avec beaucoup de noblesse et d'intégrité, Evangelina Mascardi se met à nu, et impose une dimension spirituelle, quasi hypnotique à ces pages de musique.
|
Cliquez l'un ou l'autre
bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD
Click either button for many other reviews