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Analyste:
Anne Ibos-Augé Plutôt expression du sentiment que peinture, écrit Beethoven en 1808 sur la partition de la Symphonie « Pastorale ». Voilà qui aurait pu s'appliquer, un demi-siècle plus tôt, à la musique de Rameau. Cette recherche d'expression, le compositeur l'écrit lui-même. En genres : ballet, comédie lyrique, pastorale héroïque, tragédie. En titres : Air tendre ou très gai, Entrée très gaie. En préambules : « fièrement », la première section pointée de l'Ouverture de Castor et Pollux, incisive, imitative dès avant son « fugato », l'est bien ; l'Air pour les esclaves africains s'interprète « lourdement », notes inégales aidant. En instrumentation : hautbois pour faire résonner musettes (La Naissance d'Osiris) ; bassons pour moquer un Orcan hésitant (Les Paladins) ; clarinettes déjà « galantes » dans l' Entrée des Chasseurs d'Acanthe et Céphise. Richesse de rigueur.
Le reste est dit, simplement, en musique : douceur, joie, ardeur, retenue sont les maîtres mots de cette « Nouvelle Symphonie », clin d'œil aux Nouvelles Suites que Rameau lui-même imagina. Douceur des flûtes (Zoroaste), à laquelle s'ajoute le balancement des liaisons par trois ou la doublure à la tierce (Airs pour Zéphire). Joie des trompettes et des flûtes pour les troubadours des Paladins. Véhémence d'une rythmique abrupte (Air de Furie), de syncopes marquées (Gavotte pour les Péruviens), de changements de tempos brutaux assortis d'extrême virtuosité (Air pour Borée et la Rose). Ambivalence, même, du discours de Pollux (« Nature, Amour, qui partagez mon cœur ») à la mélodie disjointe contredite par le contre-chant des violons.
La voix de Florian Sempey est au plus près du texte, sans maniérisme : tremblante (« je meurs de peur ») conformément aux indications précises de la partition ; implorante (« Partagez, Astre du jour », dernière reprise magnifiquement susurrée de Huascar) ; déterminée (« Voici les tristes lieux ») ; vraie, malgré quelque excès de vibrato qui tend parfois à estomper la netteté de la ligne.
Quelques libertés surprennent. L'entrée des troubadours devrait suivre les scènes 6 et 8 de l'acte II des Paladins et l'Air pour Borée et la Rose précéder les deux airs pour Zéphire ; la « fanfare » qui conclut l'Ouverture d' Acanthe et Céphise a disparu. L'ensemble demeure toutefois jubilatoire, porté par une direction exemplaire. À l'image de l'art de Rameau. |
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