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Analyste:
Jean-Christophe Pucek Lorsque Georg Muffat revint à Salzbourg au début de l'été 1682, il trouva la ville occupée à célébrer les 1100 ans de la fondation de son archevêché. Le Kapellmeister Biber donnerait bientôt une gigantesque messe à cinquante-trois voix ; le Mégevan rapportait de son séjour d'étude romain cinq sonates sans doute soumises au jugement sévère de Corelli. Cet Armonico tributo témoigne de son habileté à manier styles italien et français - les danses stylisées y côtoient la technique, alors novatrice, du concerto grosso - et sa publication, en cette année jubilaire, doit se lire comme une proclamation supplémentaire de l'excellence artistique salzbourgeoise. Muffat a prévu des variations d'effectifs : « peu ou beaucoup d'instruments », deux violons et une basse, avec ou sans altos, avec ou sans vents. Lars Ulrik Mortensen varie les options (chambriste dans la Sonate III, cordes seules dans la IV, orchestre au complet ailleurs) pour un résultat toujours convaincant qui surclasse jusqu'à la lecture pleine de vigueur des Muffatti (Ramée, 2012). La vitalité s'accompagne ici d'un meilleur équilibre des pupitres, de plus de ouplesse (les appuis rythmiques dans l'Aria de la II). La Sonate I illustre bien la finesse des nuances, avec son Allemande drapée d'une nostalgie scintillante, et la tonalité ondoyante du Grave qui la suit. Du Concerto Copenhagen on admire partout la précision, le coloris, la sensualité. L'imprévisibilité de la II, changeante comme la lumière des tableaux de Claude Gellée, le printemps aérien qui soulève la III (les inflexions lyriques de la Corrente sont délicieuses), les cabrioles fantasques de la IV (Adagio-Presto) : tout enthousiasme. Et que dire de la Sonate V, de sa magistrale Passacaille finale, tenue avec une élégance racée confondante ? Cette interprétation à la fois mûrie et juvénile respire l'éloquence ; idées et émotions y circulent portées par un souffle d'autant plus libre qu'il se fonde sur une mise en place minutieuse. On n'oublie certes pas l'opulence de Chiara Banchini (HM, 1996), mais c'est bien Mortensen qui offre aujourd'hui à Muffat le plus abouti des hommages.
LEUR PAROLE EST D'OR Diapason # 713
Lars Ulrik Mortensen « Nous parlons de Georg Muffat depuis que je suis directeur artistique de Concerto Copenhagen, c'est-à-dire depuis 1999. Ce musicien véritablement européen, né en Savoie, formé pour partie en France, pour partie en Italie auprès de Corelli, installé en Autriche, allie à la perfection les différentes composantes qu'il a observées : le sens de la danse et le contrepoint, la mélodie et les dissonances… Malheureusement, il est peu connu du grand public et dès lors difficile à programmer au concert. Avec le Covid-19, après la sidération des premiers mois, quand les musiciens ont de nouveau pu se réunir pour jouer entre eux mais pas au concert, nous nous sommes dit : “c'est maintenant, c'est l'occasion de jouer ce Muffat que nous aimons tant et de l'enregistrer”. Ces sessions nous ont permis d'expérimenter les différentes formations que le compositeur suggère, du petit ensemble chambriste à l'orchestre avec doublures de vents. Le hasard a voulu que le CD paraisse peu après l'attaque de l'Ukraine par la Russie. Or, Muffat écrit dans la préface d'un de ses recueils qu'en mêlant “le style français avec l'allemand et l'italien, [il] ne provoque aucune guerre, mais fait au contraire peut-être miroiter une paix précieuse et une harmonie si désirée”. Ces propos prenaient alors une résonance toute particulière, et pour le concert de sortie du disque, nous avons fait projeter cette phrase sur les murs de la salle dans différentes langues. »
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