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Outil de traduction |
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Analyste: Loïc Chahine
Evangelina Mascardi y tient : elle est la première femme à enregistrer toutes les œuvres pour luth de Bach, où fait mouche son subtil mélange de franchise et de poésie. En 2005, Evangelina Mascardi récoltait un Diapason Découverte (cf. n° 524). Au programme, Weiss et Bach. Presque vingt ans ont passé, la musicienne argentine installée en Italie revient au Cantor et grave cette fois l’intégrale de son œuvre pour luth. Cinq sessions d’enregistrements et trois instruments (deux luths à treize chœurs et un à quatorze, tous de Cezar Mateus) pour sept partitions de dimensions variées, pages « originales » et transcriptions dues à l’auteur, de la BWV 995, arrangement souvent joué de la Suite pour violoncelle n° 5 BWV 1011, à la rare BWV 1006 a tirée de la Partita pour violon n° 3 – tutto, tuttissimo. Les qualités précédemment louées chez la musicienne rayonnent à nouveau ici : l’aplomb technique admirable, la beauté des sonorités, et cette espèce de simplicité qui confine à l’évidence… Là où Jadran Duncumb (Audax, Diapason d’or, cf. n° 700) mettait la rhétorique avant toute chose, c’est le flux irrépressible qui nous emporte chez Mascardi. Ecoutez comme elle lance la machine dans le Prélude de la BWV 1006 a ! Bien des violonistes envieront le foisonnement qui jubile dans la Loure.
Tout un monde L’art oratoire n’est pas oublié : il nous tient en haleine dans le Prélude de la BWV 995, aux effets si savamment pesés. Agogique, articulations, dynamiques y introduisent une variété qui ravit l’esprit autant que le don du chant culminant dans des ornements partout idéalement intégrés à la ligne. Plus que celui de la chaire, le discours est celui d’un poète qui déploie sous nos yeux des univers. Dans la méditative Allemande, les silences et les relances se répondent avec une éloquence qui paraît à chaque instant se surprendre (et se suspendre) elle-même. Et le dessin torturé de la Sarabande , aux lignes brisées, aux pleins et déliés si subtilement dosés ! Ces simples Gavottes nous conduisent au bord de la suffocation, apportent ensuite une détente tout en lui donnant une apparence ô combien illusoire, désespérée… La même urgence nous saisit dans le Prélude de la BWV 996. On pourrait ainsi détailler chaque page, comme on décrirait les facettes d’un kaléidoscope : semblables et diverses. Cette approche est éminemment classique. À certains, elle rappellera la guitare (à son meilleur) ; d’autres regretteront peut-être qu’elle ne soit pas plus expérimentale, plus extravertie. Mais, avec cette vision où la spontanéité et la contemplation s’équilibrent avec la raison, Evangelina Mascardi mérite assurément sa place au panthéon des luthistes. |
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