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Diapason # 709 (03/2022)
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Aparté
AP256




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Analyste: Loïc Chahine

 

Qui était Madame Théobon ? Demoiselle d'honneur de la reine Marie-Thérèse, nous apprend Christophe Rousset, elle a une liaison avec Louis XIV entre 1670 et 1672 ; chassée de la cour à cause de la jalousie de Madame de Montespan (maîtresse en titre), elle épouse le comte de Beuvron et meurt à Marly en 1708. Surtout, un manuscrit que le claveciniste a acquis en 2004 porte son nom. Il contient en particulier des arrangements de pages de Lully (tirées d'opéras, de ballets de cour antérieurs), mais aussi des pièces de d'Anglebert, Chambonnières, Louis (?) Couperin, quelques airs populaires... et sept superbes préludes inédits. Transcriptions d'ailleurs inégales : " parfois très élaborées, parfois une simple écriture à deux voix un peu schématique ", note Rousset. 

C'est ce caractère disparate des transcriptions qui, çà et là, nous frustre. On préfère en effet la profusion d'ornements dont est paré le vaudeville Adieu paniers vendanges sont faites (tiré de la comédie Les Vendanges de Suresnes de Dancourt, 1695, et dont la musique est probablement de Gillier) à l'arrangement un rien dénudé de " Goûtons bien les plaisirs bergère ". La simplicité a parfois aussi du bon, comme dans la Chaconne d'Arlequin dont l'astucieuse main gauche nous délecte. 

Sur un superbe instrument de Nicolas Dumont daté de 1704, excellemment capté, le claveciniste déploie un toucher d'une grande variété. Qui résisterait aux tendres hésitations de l'Allemande La Loureuse (Chambonnières), à la verve du Branle des gueux, à la noblesse racée de l' Allemande de Monsieur de Lully, à la majesté teintée d'une légère astringence de l'Entrée d'Apollon ? La science de l'agogique (écoutez comme est menée la Courante de Monsieur de Lully version d'Anglebert !), la maîtrise absolue des ressources du clavier (cette délicieuse sensation de " l'éclatement de la groseille ou du grain de cassis sous la dent " dont parlait Blandine Verlet) font aisément oublier quelques épisodiques raideurs (la première partie de l'Ouverture de La Grotte de Versailles ou la Ritournelle de Phaéton ). On parcourt comme un livre de souvenirs dont certains ne seraient pas les nôtres ces soixante et onze plages où se reconnaît telle mélodie, où l'on s'égaie de telle danse, se réjouit de telle découverte. Grâces soient rendues à Madame Théobon !


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