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Analyste:
Anne Ibos-Augé Esthétiques proches et lointaines : La Tempête enjambe six siècles de musique sacrée, tout en s'autorisant quelques incursions médiévales. Ces dernières puisent aux prémices : chants vieux-romain et ambrosien déroulent vocalises, ornementation et phrasé, disant, simplement mais sûrement, leurs origines multiples - entre Orient et Occident - et suggérant l'évidence d'une tradition orale. Passé les prémices, écoles de la Renaissance espagnole, allemande et franco-flamande répondent aux compositeurs des XXe et XXIe siècles en un programme de rêve, de lamentation et de mort. Chez les premiers, Escobar et Anchieta - pourquoi diable l'avoir amputé de son magnifique Kyrie final ? - rappellent le Moyen Age proche. Isaac et son élève Senfl, de même que Févin, Orto et Manchicourt, nous plongent dans l'univers contrapuntique propre à la polyphonie franco-flamande : les voix s'enchaînent sans se ressembler, en une suite sans fin. Côté contemporain, les chromatismes et nappes sonores de Scelsi répondent à ceux de Pérès et Taverner. Le début du Requiem pour double chœur a cappella de Greif - ici en formation soliste -, alterne chanson anglaise et texte liturgique. La première, émergeant des strates de voix masculines, y évoque le sommeil éternel, contre-texte assombri de chromatisme. La Tempête ose la raucité. Les ornements, volontiers orientalisants - parfois un peu trop systématiquement chez les Espagnols -, entrouvrent une porte sur des échanges probables, entre les cultures. La pâte sonore est charnelle à souhait ; les vents - clarinette basse et cornet à bouquin, couple étonnant mariant passé et présent -se mêlent délicatement aux voix, clairement émises et pertinemment articulées. Quelques regrets toutefois : le syndrome actuel de la playlist transforme en saupoudrage ce qui pourrait être une vraie pensée musicale, laquelle assumerait l'entièreté d'œuvres peu souvent jouées. Plus ennuyeuses sont les libertés prises avec la restitution de la musica ficta de la première Renaissance. Les connaisseurs ne s'y retrouveront malheureusement pas toujours. |
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