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Analyste:
Jean
Christophe Pucek En 1696, alors que se multiplient les attaques contre l'emploi de la scordatura, dont il s'est fait une spécialité, Biber publie l'Harmonia Artificioso-Ariosa. Septénaire de partitas, ce recueil est un véritable plaidoyer pour cette technique d'accord particulier du violon : non content d'explorer ses possibilités virtuoses, il s'attache à l'étendre à d'autres instruments (l'alto dans la Partita IV ou la viole d'amour dans la VII), tout en élargissant son éventail expressif ; les danses restent dominantes, mais les deux dernières Suites s'ornent chacune d'un magnifique Air varié.
De prime abord, l'approche de Der Musikalische Garten semble modeste. Sa concentration sur le propos musical, son refus de l'esbroufe, sa netteté dans la construction, son continuo actif sans jamais polluer la conduite du discours emportent l'adhésion. Les musiciens déploient une belle énergie pour défendre chaque partita sans tomber dans l'excès démonstratif : écoutez comme ils lancent le Praeludium de la Partita III, générant un influx qui va la porter jusqu'à la Ciacona finale, dessinée avec grâce. Sans recourir à des rajouts artificiels, Balletti et gigues entraînent malgré leur brièveté, la Passacaglia de la Partita V s'épanouit en une perpétuelle éclosion. La cohérence de la vision profite aux deux séries de variations des Partitas VI et VII : avec naturel, leur déroulement alterne entrain, douceur, légèreté, recueillement. Sans atteindre l'ivresse communicative du Rare Fruits Council (Astrée, 1996, avec orgue de tribune), Der Musikalische Garten offre une alternative plus que solide.
Les Passions de l'Ame nous avaient habitués aux programmes thématiques. En communicant avisé, l'ensemble bernois reste, pour sa première monographie, fidèle aux recettes qui ont bâti son succès : pochette colorée (un flipper en l'occurrence), dynamiques soulignées, virtuosité assumée. Les basses ventrues et la captation en proximité renforcent l'impact d'une lecture obsédée par l'effet au point de perdre de vue sa pertinence (l'imitation de la mandoline dans le Balletto de la Partita II). L'ivresse promise s'évente, entre fioritures de dulcimer et emploi d'instruments exotiques (târ, khartal, tambourin) qui n'ont rien à faire ici. Ce mélange des genres, qui nous évoque les tripatouillages de L'Arpeggiata (la Partita V les singe sans vergogne dans l'Aria et le Balletto), se révèle vite indigeste, triste en ce qu'il montre du manque de confiance des interprètes envers la musique de Biber qui n'a nul besoin de ces oripeaux pour séduire. Pas de « bille supplémentaire » pour cette interprétation qui ne donne jamais l'envie de refaire une partie.
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