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Analyste: Sylvain Fort Il y a quelque chose d'émouvant à voir la photo des sessions d'enregistrement de cette Création à la collégiale du château de Cardona (Catalogne) en mai 2021 : ces musiciens dûment masqués et espacés, au cœur des incertitudes et des inquiétudes dues à la pandémie, ont livré ces jours-là une interprétation d'une luminosité et d'un élan inouïs. Le grain des instruments anciens confère à ce livret où il est question de création des eaux, de la terre, du ciel, et bien sûr de la chair elle-même, une épaisseur matérielle que Savall anime avec une exubérance folle. Rien ici n'est grave ni empesé, encore moins cérémonieux - cette création se fait dans la joie pure, inventant le genre de l'oratorio gioioso. Tant de vitalité repose beaucoup sur une recherche constante de l'accentuation, d'une agogique qui vous attrape et ne vous lâche plus. Attaques des archets fortement soulignées, cuivres pimpants, chœurs ivres de chanter (et avec quelle qualité !) font de cette interprétation une œuvre libératoire, une renaissance qui pointe à la fois vers Haydn et vers le moment de son enregistrement : « Singt dem Herren alle Stimmen » semble être le motif de cette lecture à gorge, timbres, corps déployés. Cette fraîcheur joyeuse nous place assez loin des pompes de Böhm ou Karajan, mais aussi de l'approche un peu grammairienne de Jacobs. On regrette seulement que les très bons solistes n'aient pas, vocalement, les moyens de la défonce imprimée à l'orchestre et aux chœurs par Savall. Timbres sages, élocution châtiée, ils n'entrent pas dans la farandole comme nous aurions rêvé qu'ils le fissent.
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