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Diapason # 705 (11/2021)
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Analyste: Ivan A. Alexandre

 

Voilà donc pourquoi, le moment venu, Louis XIV écarta le savant Parisien Charpentier au profit de l'instinctif Florentin Lulli. Charpentier était trop… italien. Le roi voyait son soleil populaire. Il cherchait un art qui parle et qui danse, non une construction polyphonique et harmonique dans le goût romain dont cette Messe à quatre chœurs est le témoin à charge. Messe idéale, spéculative - peut-être jamais physiquement exécutée -, que nous découvrions lors des Journées Charpentier de Versailles en 1988 sous la direction de Jean-Claude Malgoire. Lequel enregistrait l'œuvre trois saisons plus tard en Thiérache (Erato 1991). Passent les ans et les alternatives (Jeffrey Skidmore chez Hyperion en 2003, le regretté Christopher Jackson chez Atma l'année suivante). Le style gagne en spontanéité, l'accent s'affermit, les forces chorales (ici démesurées) n'hésitent plus. Parmi les versions « maximales », si l'album princeps conserve l'avantage des solistes - de la soprano Agnès Mellon notamment -, le nouveau s'impose par la complexité sans confusion du Kyrie , le relief palpable de l'Et in terra pax, la vigueur du Quoniam, la lisibilité du Cujus regni, l'éclat du Confiteor, partout en somme.

Comment, à seize voix (jamais plus de sept à la fois mais quand même), percevoir une ligne (adieu croches du Quoniam et doubles du Domine Deus ) ? Où poser les micros puisque l'auditeur ne peut prendre place au centre de la croix ? Olivier Schneebeli trouve la clef de ces mystères aussi : distinguer chaque chœur par la couleur (bois, cuivres…). Il va de soi que le rêve spatial du jeune maître ne prend réellement forme qu'à l'église, et que rien ici n'égale la tardive Assumpta est Maria. N'importe. Pour la Messe à quatre chœurs, vous aurez désormais le choix : les tendres Correspondances de Sébastien Daucé en version « historique » (un chanteur par voix, Diapason d'or en novembre dernier), le majestueux Schneebeli en version pléthorique.

Choix guidé aussi par les compléments : motets romains chez Harmonia Mundi, ici Cantique des trois enfants dans la fournaise composé en 2014 précisément pour les effectifs de la quadruple messe, paraphrase du Livre de Daniel (trois enfants juifs jetés au four par le roi de Babylone et sauvés par un ange) que Philippe Hersant emprunte à un poème mystique d'Antoine Go-deau (1605-1672). Depuis Khayal en 1984, Hersant domine la musique sacrée en France. Confirmation par ce Cantique lumineux, plus vénitien que romain, plus Monteverdi que Charpentier, baroque en diable (sic) jusqu'à citer la Sonnerie de Marin Marais dans l'épisode « Louez sa grandeur non pareille ». Jeux de timbres, figuralismes, vocalises… rien pourtant de copié ou de parodié. Cantique, voilà tout, dans un ballet de chœurs où le texte disparaît mais qui ne s'effondre jamais sous son propre poids. Sofi Jeannin met des ailes aux pierres. Louée soit-elle.


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