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Appréciation d'ensemble: |
Outil de traduction (Très approximatif) |
Analyste:
Jean-Christophe Pucek Passons outre le texte bancal et grandiloquent signé par l'interprète, ses photos trop bien posées, et concentrons-nous sur ce que ce récital a de meilleur à nous offrir. Deux magnifiques instruments, d'abord: une copie de clavecin italien réalisée par Philippe Humeau, racée et nerveuse, aux couleurs translucides, et un arpicordo florentin du dernier quart du XVIe siècle, à la touche plus mate, délicate. Un panorama contrasté de l'Europe du clavier entre 1578 et 1687, siècle riche d'inventions, de la Naples de Valente aux Provinces-Unies de Sweelinck, en passant par la Rome de Frescobaldi et Rossi, le Vénitien Picchi étant convoqué pour des intermèdes percutants (Ballo alla polacha). Au coeur de ce voyage, celui d'un thème mélancolique, les Lachrymae nées anglaises mais adoptées bientôt par le Continent, comme en témoigne l'altière Pavane, attribuée à Scheidemann. Jean Rondeau fait le choix judicieux de confier ces élaborations volontiers intimistes, dont il restitue avec justesse soupirs et suspensions, au virginal. Au grand clavecin reviennent les pièces qui explorent, jusqu'aux lisières de l'étrangeté (Toccata de Luzzaschi), les possibilités expressives (Recercar de Storace, funambule) d'un chromatisme exacerbé par des tempéraments contrastés: la fougue de l'interprète y fait merveille, le contrôle de ses moyens digitaux aussi. Tempes brûlantes mais regard aiguisé, il affronte avec aplomb, souplesse et panache le lent vertige de la Passacaille de Rossi, les volutes et les tourbillons de la Fantasia cromatica de Sweelinck, les anfractuosités des Toccate de Frescobaldi. Paradoxe, ce qui fait défaut à ce récital placé sous l'égide de la mélancolie, c'est l'ombre : sa nuit trop urbaine empêche le « feu inaccessible des astres » qu'il aimerait convoquer de percer une obscurité dont l'intranquillité est absente. À l'enfant gâté du clavecin français ne manque encore qu'un rien de profondeur - celle que démontrait, au même âge, un Pierre Hantaï - et de fragilité pour prétendre à la grâce. Gageons que ce n'est qu'une question de temps. |
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