Texte paru dans: / Appeared in:
*


Classica # 232 ( 05 / 2021)
Pour s'abonner / Subscription information




 

Harmonia Mundi
HMM902637
Château Versailles
CVS033
Code-barres / Barcode : 3149020943052 Code-barres / Barcode :
3770011431380


 

 

Outil de traduction (Très approximatif)
Translator tool (Very approximate)
 

Analyste:  Philippe Ramin

Jouissant d'une popularité sans trêve depuis sa composition en 1730, le testament musical du jeune Pergolèse est un peu l'apogée du style napolitain. S'y trouvent des enchaînements harmoniques éprouvés et l'emploi raisonné des dissonances par lesquels le compositeur réussira à forcer la porte des églises. Faisant table rase de clichés historiquement mésinformés où le texte dramatique s'oppose souvent aux pimpantes cabrioles de l'accompagnement, Riccardo Minasi tente de reformuler le langage instrumental, d'en tirer une rhétorique très imaginative fondée sur une grande variété de formes, de sons et de phrasés. Ainsi, la tendresse striée d'inquiétude du Vidit suum ou la fébrile noblesse du Sancta mater proposent une profondeur discursive extraordinaire et se fondent aux couleurs vocales les plus audacieuses. Lucile Richardot et Ciulia Semenzato apportent une superbe dimension théâtrale à un texte tracé au cordeau. L’éventail de nuances s'élargit singulièrement jusqu'au infimes pianissimos du Fac ut portem, tandis que le travail sur le rubato et l'ornementation trouvent des solutions ingénieuses à maintes appogiatures problématiques. Cerise sur le gâteau, l'usage expressif du tempérament mésotonique est remarquablement abouti. On reste pantois devant cette fresque nimbée de clairs-obscurs saisissants. Longtemps attribué à Pergolèse, le Salve Regina de Joan Rossell (1724-1780) complète cette vision d'un style enfin dégagé d'un lourd vernis interprétatif. Très virtuose et conduite par d'irrésistibles chromatismes, la Sonate à quatre d’Angelo Ragazzi (1680-1750) est un singulier hommage à l'art de Pergolèse, et l'Ensemble Resonanz y déploie un vocabulaire remarquablement étendu.

 

Changement total de perspective pour l'Orchestre de l'Opéra royal avec une distribution vocale plus proche de la vérité historique (castrats) composée de deux voix masculines aiguës, dont le sopraniste Samuel Mariňo. La jeune claveciniste Marie van Rhijn dirige un ensemble de cordes étoffé, flanqué d'un théorbe et d'une guitare - pourquoi pas, l'église devenant à l'époque plus perméable aux saveurs profanes? Sur le plan musical, la lecture reste plutôt littérale, les phrasés standard et sans direction, dans un premier degré étonnant. Le Quae maerebat a avalé un métronome, le Eia, mater hésite entre la valse et le menuet... Malgré les valeureux efforts du contre-ténor Filippo Mineccia, le discours manque de relief. Certes, Samuel Mariňo déploie une tessiture spectaculaire, mais l'investissement émotionnel hésite entre minauderies (Vidit suum) et gémissements appuyés, et le champ expressif est décidément bien réduit. Passé la surprise de ce timbre exotique, on s'ennuie ferme. Mineccia semble davantage inspiré dans le Stabat de Vivaldi, mais on est encore loin de l'équilibre entre spiritualité et théâtralité d'un Andreas Scholl (Decca, 1999) ou d'un James Bowman (L’Oiseau-Lyre, 1988)

 

 

   

Cliquez l'un ou l'autre bouton pour découvrir bien d'autres critiques de CD
 Click either button for many other reviews