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Classica # 231 ( 04 / 2021)
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Analyste:  Philippe Venturini
 

PIANO DEBRIDÉ

Bach à la lueur des anciens et tel qu'en lui-même, une approche dynamique et historique.

Francesco Piemontesi invite à un singulier voyage. Il partage en effet son Bach entre transscriptions, signées de pianistes et compositeurs d'hier, Ferrucio Busoni et Wilhelm Kempff …, et d'un organiste d'aujourd'hui, Maximilian Schnaus, et original, le Concerto italien. Placé au milieu du disque, ce dernier arque la parfaite symétrie d’un programme ouvert par le Prélude et fermé par la Fugue BWV 552 du Clavier -Übung III. Se côtoient ainsi un Bach à l'ancienne des années 1920, dans un « piano symphonique », et un Bach à l'ancienne des années 2020 par un artiste qui connaît les interprétations historiquement informées et délie ses doigts au clavecin avant de les acclimater au piano. Ce télescopage entre objectivité de la pensée et subjectivité du son, appropriation et contextualisation, oblige à un grand écart intellectuel et musical enthousiasmant.

 

Francesco Piemontesi ne cherche ainsi nullement à brider son piano comme a pu le faire Glenn Gould. Il en investit au contraire tout l'espace sonore et dynamique qu'il tapisse de mille couleurs. Le phrasé reste généreux, appuyé sur des basses amples et enveloppantes mais tenues, articulé avec une précision horlogère et calé sur des tempos plutôt sereins de façon à laisser les notes s'épanouir, comme à l'orgue. Cela n’empêche cependant pas le Prélude BVW 552 de se dresser avec une intimidante majesté, notamment en sa première partie, à la française, et en notes pointées. Cette plénitude voulue et cette nostalgie entretenue ne sauraient s'égarer dans un lyrisme cotonneux et une texture trop onctueuse, Mais, en toute logique, le Concerto italien, baigné par la douce lumière des anciens, n’a  pas les arêtes vives ni la tonicité, le finale notamment, d'un Rafal Blechacz (Deutsche Grammophon, 2015, CHOC, Classica no 191) mais fait montre d'un art du chant et de l'ornementation irrésistible. La trépidante Toccata de Busoni (1921) se glisse avec dextérité dans ce parcours décidément singulier et stimulant, tant pour l'oreille que pour l'esprit.

 

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