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Appréciation d'ensemble: |
Outil de traduction (Très approximatif) |
Analyste:
Denis Morier
Dès la création de son
ensemble, en 1984, Alessandrini plaçait Monteverdi au centre de son infatigable
« quête du sens et du son perdu ». Chacune de ses productions fut une
révélation, même lorsqu'elle proposait la relecture d'un ouvrage qu'il avait
déjà gravé. Il y quinze ans, il revisitait ainsi le Sesto Libro, comme
s'il s'agissait d'un territoire inconnu. Puis survint, il y a quatre ans, son
bouleversant « Night Stories of lovers, and warriors » et ses madrigaux
guerriers d'anthologie. Il jette cette fois son dévolu sur un Livre auquel il ne
s'était pas encore confronté, et qui ne bénéficiait, jusque-là, d'aucune
référence incontournable (les versions du Consort of Musicke, chez Virgin, et de
la Venexiana, pour Glossa, sont honorables). Le Terzo Libro de 1592 est
le « Livre de la rupture », celui où Monteverdi trace pour la première fois les
chemins de sa « seconde pratique », deux ans après son arrivée à la cour de
Mantoue. À l’origine de cette mutation de style se trouve le goût excentrique du
duc Vincenzo Gonzaga, entre préciosité et mépris aristocratique des conventions.
Alessandrini inscrit sa lecture dans le prolongement de sa précédente
anthologie, touchant à la même vérité expressive, dictée par la puissance
évocatrice des vers du Tasse et de Guarini. Au Combattimento de 1638
répond ici Vattene pur crudele; à l'agonie théâtralisée de Clorinde
succèdent les imprécations stylisées d'Armide. Si, dans ces pages séparées par
plus de quatre décennies, les langages et les outils musicaux paraissent
distincts (le stile rappresentativo fait place au contrepoint),
compositeur et interprète révèlent la permanence et l'unité de leur démarche.
Alessandrini déploie ses neuf chanteurs, dont cinq femmes, en diverses
combinaisons, pour former vingt polyphonies a cinque voci. Il en résulte
un perpétuel a cappella aussi pur que chamarré, qui met les timbres et les mots
à nu. Ces neuf voix somptueuses et touchantes, assez lyriques, sont toutes
engagées dans une fascinante dramaturgie sonore. Le charme ardent d'O come è
gran martire, la subtilité légère d'O primavera, gioventù dell'anno, les
enlacements radieux de Lumi, miei cari lumi, les plaintes funèbres de
Rimanti in pace: chaque miniature devient une fresque débordant de vie, de
couleurs, de passions contrastées, un clair-obscur traversé de fulgurances, aux
antipodes des mignardises de tant d'autres ! Après plus de trente ans d'un
patient et fructueux compagnonnage, Alessandrini nous révèle un nouvel « art du
madrigal » !
Rinaldo
Alessandrini - au sujet de:
« Le temps
qui passe me convainc chaque jour davantage que nous devons rendre à Claudio
Monteverdi un culte encore plus grand que celui dont il est l'objet. Ce qui me
frappe le plus chez lui, ce n’est pas seulement sa vision prophétique du rapport
entre poésie et musique, c'est surtout ce que j'appellerais "l'invention de la
beauté humaine". Oscar Wilde, dans un de ses célèbres paradoxes, a écrit que "La
vie imite l'art bien plus que l'art n'imite la vie". Monteverdi, qui avait
adopté le principe platonicien de l'art comme imitation des idées, est parvenu à
créer un modèle qui non seulement imite les idées dans leur vérité, mais les
transforme puis les restitue à l'auditeur sous forme de beauté idéale - une
beauté à laquelle nous aspirons tous au cours de notre vie, dans laquelle même
les tourments douloureux, de quelque nature qu'ils soient, sortent transfigurés.
Monteverdi part de la condition humaine pour en peindre une autre avec sa
musique, laquelle donne accès, à travers l'exacerbation des passions, à une
beauté vertigineuse. C'est ce que nous pourrions plus simplement appeler
théâtralité... » |
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