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Appréciation d'ensemble: |
Outil de traduction (Très approximatif) |
Analyste:
Maximilien
Hondermarck Mars 2020 : le Bach Collegium Japan entame une tournée dans six pays européens alors que s'abat le péril du coronavirus sur le continent. Le 6 à Katowice, le 10 à Londres... mais déjà les frontières se ferment et les rideaux se baissent. Arrivés à Cologne, désoeuvrés, Masaaki Suzuki et son équipe - sa famille, en fait - broient du noir. « Et si on enregistrait ? » suggère Tamaki, alto et épouse du chef; à Stockholm, le patron de Bis s'enthousiasme, l'ingénieur du son Martin Sauer interrompt ses vacances à Paris et se précipite pour capter - brillamment- cette Passion selon saint Jean en quatre jours. Sont-ce les circonstances, le poids du drame silencieux qui les entourait ? Nous ne sommes toujours pas au théâtre; mais l'église mentale de cet enregistrement est nettement plus humaine, plus rugueuse que dans leur récente Saint Matthieu (cf. no 690), toute pleine d'une joie tranquille. Orchestre et choeur, à la plénitude sonore aujourd'hui à peu près inégalée chez Bach, gagnent une urgence insoupçonnée, une tension nouvelle. Aiguillonné par le clavecin opiniâtre de Masato Suzuki, « Herr, unser Herrscher » devient le grondement d'un peuple désorienté, et « Eilt nach Goigatha » amène à incandescence cet élan collectif vers la croix. Car le chemin n'est pas de roses. Les personnages qui croisent le regard du Christ sont parfois déformés par la haine, à l'image de ces servants bruts de décoffrage ou de turbae tranchantes et réglées au millimètre (« Wir dürfen niemand töten » fiévreux). L’Evangéliste lui-même n'hésite pas à boire la coupe d'amertume : à la différence de Gerd Türk de 1999, enveloppé d'un halo mystique, le toujours jeune James Gilchrist endosse tout de l'action, y compris l'ignoble. Parmi mille détails, écoutez ce fouet qui larde le dos du Christ - puis le baume consolateur que lui applique Christian lmmler dans « Betrachte, meine Seel ». L’unité, la concentration d'esprit des protagonistes de cette Passion détrônent l'enregistrement de 1999 et nous la font ranger parmi les meilleures gravures récentes (Gardiner II, Minkowski, Jacobs). Damien Guillon, collet monté, ne renouvelle néanmoins pas le miracle accompli dans la Saint Matthieu - il faut dire que la viole de Rainer Zipperling ne donne pas suffisamment d'élan à son « Es ist vollbracht ». On peut préférer Carolyn Sampson (chez Brüggen Il dans les tourments de « Zerfliesse » mais le soprano frémissant d'Hana Blazikova aura ses fidèles. Parmi le solistes, c'est surtout Zachary Wilder, déjà inoubliable de candeur dans la Saint Matthieu, qui porte au sublime les paradoxes du texte dan « Mein Jesu, ach! » : quelle est cette joie qui nous vient de la souffrance? |
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