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Appréciation d'ensemble: |
Outil de traduction (Très approximatif) |
Analyste:
Loïc Chahine Au nom du père
Un équipage franco-magyar rend tout son lustre à une « tragédie biblique » composée dans le premier tiers du XVIIIème siècle, et réhabilite un précurseur de Rameau. Pendant le Carême, le publie de l’Académie royale de musique était privé d'opéra. Jusqu'à ce qu'en février 1732 l'institution se décide à représenter une partition de Michel Pignolet de Montéclair qui dormait dans les tiroirs depuis douze ans : Jephté, « tragédie tirée de l'écriture sainte ». Grand succès, repris presque à chaque Carême jusqu’en 1740, puis encore en 1744 et 1761. Les Arts Florissants avaient tiré l'oeuvre de l'oubli en 1992 (HM), mais la distribution manquait d'incarnation et la direction de théâtre. Rien de tel avec le nouvel enregistrement, réalisé à Budapest avec l'appui du Centre de musique baroque de Versailles: le geste nerveux de György Vashegyi conduit le drame et tient l'auditeur en haleine. C'est le moins que 1’on puisse attendre d'une intrigue où, pour vaincre ses ennemis, un père (Jephté) a fait le serment de sacrifier la première personne qu'il croisera à son retour dans sa patrie - sans savoir que ce serait sa propre fille (Iphise), elle-même éprise du chef desdits ennemis (Ammon).
La partition, ici donnée dans
l'ultime révision du compositeur, et sans aucune coupure, renferme bien des
pages remarquables. Tel ce prélude à l'acte III où les basses sont divisées
entre la droite et la gauche, tels les virages harmoniques du choeur « La terre,
l'enfer, le ciel » (I), tel le début de la Simphonie douce du prologue
qui semble annoncer l'adoration du soleil des Indes galantes... Dans le même esprit, le Purcell Choir, guère flatté par la captation, défend l’oeuvre avec conviction et énergie, rappelant que celui de l'Opéra n'avait, à l'époque de la création, rien d'un choeur de chambre. La mode est aux « grandes voix » dans l'opéra baroque. Le rôle titre échoie à Tassis Christoyannis, brûlant d'autorité et dévorant le texte avec un goût du tragique que ne possédait pas Jacques Bona chez Christie. Personnages de sang et de larmes Le baryton grec est magistral dans les récitatifs (« Quel trouble me saisit », au III). Et que de variations dans les couleurs du timbre! Comme, d'ailleurs, chez l'Iphise de Chantal Santon Jeffery, souvent touchante (belle fragilité au IV), qui répand d'infimes inflexions, subtilement ancrées dans le mot (« Mes yeux, éteignez dans vos larmes »). La complémentarité avec l’Almasie de Judith Van Wanroij, qui conjugue l'ascendant d'une matriarche et la tendresse d'une mère, se révèle idéale. La délectation avec laquelle la soprano s'empare des vers, la gradation qui conduit ses monologues, même brefs, hisse certaines pages au sommet, tel le Songe de l'acte II ou ce récit « Par le grand prêtre et par Jephté », superbement ouvragés. Le reste de la distribution est à l'avenant - distinguons le grand prêtre sombre et impérieux de Thomas Dolié. Tout au plus regrettera-t-on que Zachary Wilder (Ammon, l'amoureux) s'avère plus inégal : le personnage est incarné, le texte très compréhensible, mais les « r » sont roulés avec une outrance agaçante et la ligne semble parfois capricieuse. Qu'importe. Du chef aux rôles secondaires, l'engagement de tous signe la réussite de ce projet franco-hongrois qui marquera durablement, n'en doutons-pas, la réhabilitation de Michel Pignolet de Montéclair.
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