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Diapason # 690 (05 /2020)
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Encelade
ECL1901



Code-barres / Barcode : 3770008056176

Appréciation d'ensemble:

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Analyste: Jean-Christophe Pucek
 

Éclats et ténèbres

Le clavecin de Pierre Gallon cerne les contours de ce mystérieux sieur de Blancrocher, dont la brutale disparition au début du règne de Louis XIV, suscita tant d'hommages émus.

Né vers 1607, fils d'un valet de chambre du roi, Charles Fleury, sieur de Blancrocher, luthiste amateur, reste surtout connu par les quatre Tombeaux élevés à sa gloire par quelques-uns des plus grands compositeurs de son temps. Il meurt en novembre 152, en présence de Johann Jakob Froberger, des suites d'une chute d'escalier.

De sa plume ne subsiste qu'une unique Allemande, L'Offrande: elle referme, en un délicat envoi sous les doigts du luthiste Diego Salamanca, le programme qu'a soigneusement élaboré Pierre Gallon. Àcet excellent claveciniste, on devait déjà, pour le même éditeur, un savourex portrait de Pierre Attaingnant (son premier disque en solo, cf. no 22) et un pétillant florilège Haydn (cf. no 678).

Partagé entre deux instruments superbes (un clavecin d'esthétique italienne signé Humeau et un français de Jobin), l'album réunit, à la manière du peintre Eustache Le Sueur, les amis du sileur de Blancrocher dans une évocation de sa mémoire mais aussi des moments passés en sa compagnie à faire de la musique. Maîtres du choeur ou du sautereau, leurs Tombeaux, oraisons de notes chères au XVIIe siècle français, disent leur peine avec pudeur (Denis Gaultier) ou véhémence (Froberger), y semant des accents tragiques (Dufaut) ou une lueur d'espoir (Louis Couperin).

Brûlants silences

Le reste du programme illustre, à travers le dialogue entre originaux et transcriptions, les échanges de répertoires entre luth et clavecin tels que les retracent les témoignages de Perrine ou de dAnglebert.

Galion n’est pas un musicien de l'effet. D'une pénétrante subtilité, son art préfère laisser leur entière place aux silences (étreignants dans le Tombeau de Froberger) et aux résonances (magnifiant les errances du Prélude à l'imitation de Froberger de Couperin), pour mieux happer l'auditeur. Il offre ici une réalisation de très haut vol, d'une densité par instants presque suffocante où passe néanmoins assez d'air voire d'ivresse (l'irrésistible pulsation des gigues) pour qu'elle ne soit jamais écrasante.

À l'instar de Georges de La Tour, mort dix mois avant Blancrocher, il possède le don de distribuer avec autant de précision que de sensibilité éclats et ténèbres afin d'exalter la vie tant immédiate que souterraine des pièces qu'il aborde. Cette éloquence qui ne se paie pas de mots permet à chaque nouvelle écoute d'accéder à des dimensions insoupçonnées où l'émotion le dispute à l'admiration. Rien d'étonnant à voir Pierre Gallon dédier à Blandine Verlet ce disque tout de flamme concentrée: l'héritage d'une des figures les plus singulières du clavecin français en irrigue la poésie tenace et secrète.


   

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