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Diapason # 689 (04 /2020)
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Hortus
HOR184




Code-barres / Barcode : 3487720001840

Appréciation d'ensemble:

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Analyste: Vincent Genvrin

 

Plain-chant ou pas ? La question se pose pour Grigny comme pour toute la musique d'orgue d’Ancien Régime depuis qu'il y a une trentaine d'années, on a tenté de restituer son « biotope », l'alternance avec les chantres. Le regretté Xavier Bisaro était intraitable sur ce point : « Une messe d'orgue sans plain-chant, c'est comme un opéra sans les récitatifs ! » J'avoue être moins rigoriste et préférer une version orgue seul réussie comme celle d'Olivier Houette (cf. n° 682) à une alternance ratée. Les pièges sont en effet nombreux: outre les questions du texte grégorien lui-même, de son interprétation, de son ornementation, se pose celle, cruciale, de la cohérence avec les versets d'orgue. D'autant que, pour des raisons pratiques évidentes, les deux sont enregistrés séparément...

Sur tous ces points, le travail effectué par Dominique Vellard et Nicolas Bucher est remarquable. Dans l'espace acoustique exceptionnel de l'abbatiale de la Chaise-Dieu, l'ensemble Gilles Binchois et l'orgue participent à la même action grâce à de secrètes connivences de tempo, d'allure, de caractère. La fréquente utilisation par Grigny des mélodies du choeur met en évidence la fascinante dramaturgie qui fonde l'alternatim : d'un côté, un texte déclamé collectivement quoique monodiquement, de l'autre un instrument dépourvu de parole mais doté de ressources harmoniques et timbriques infinies, mises en oeuvre par une seule personne. Chacune à une extrémité de l'église, ces deux entités se poursuivent inlassablement sans jamais se rencontrer...

À vrai dire, cette rencontre finit par advenir - mais à titre d'exception qui confirme la règle - dans quatre motets de Nicolas Lebègue (1631-1702), le maître de Grigny. Destinés aux « festes de l'année », ceux-ci complètent idéalement les hymnes, augmentant leur durée et précisant le sens de la fête en question. On échappe ainsi à l'effet « catalogue » de pièces d'orgue qui finissent par se ressembler lorsqu'elles sont mises bout à bout, alors que tout l'art du compositeur consiste à s'insérer dans un contexte plus vaste.

Nicolas Bucher livre une interprétation longuement méditée du chef-d'oeuvre de Grigny. Mis à part: les dialogues et l'offertoire où la brillance s'impose d'elle-même, son approche est essentiellement méditative. La richesse polyphonique des fugues, le lyrisme des récits, la truculence des pièces de caractère ne sont aucunement bridés mais mis au service d'une dimension sacrée que le plain-chant rappelle à chaque instant.

Il y aurait là une version absolument convaincante dans son genre si l'orgue de la Chaise-Dieu ne souffrait pas d'une certaine fausseté des jeux à bouche et de défauts d'attaque qui nuisent à sa plénitude. Les amateurs de « beau son » préféreront certainement celle d'Olivier Houette à Poitiers. Mais peut-on vraiment comparer deux approches si différentes que l'on doute parfois d'avoir affaire à la même musique ?


   

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