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Classica # 218 (12 / 2019)
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Analyste:  Jérémie Bigorie
 

ET QUAND VIENT LE SOIR. POUR QU’UN CIEL FLAMBOIE...

Le rouge et le noir se marient à merveille dans ces Vêpres où le répertoire liturgique répond admirablement à l'esprit de La Tempête.

Dans la continuité de l'album « Azahar » (CHOC, Classica n° 191), Simon­Pierre Bestion incante une nouvelle liturgie drapée cette fois‑ci dans le cosmopolitisme vénitien. Une vision qui embras(s)e la pluralité du sensible, redevable aussi bien à Leonardo Garcia Alarcón (pour le tropisme vers la Méditerranée orientale) qu’à Marcel Pérès (véhémence expressive du chant), ce dernier explicitement revendiqué pour « sa connaissance du répertoire à travers une approche à la fois intuitive, renseignée et généreuse ». Il n’est que d'écouter le faux‑bourdon qui s'enchaîne au « Deus in adiutorium » pour se persuader que ces Vêpres ne ressemblent à aucune autre: raucités d'outre‑gorge, auxquelles fait écho le vibrato serré de la douçaine et du serpent, alternent avec les antiennes monodiques chantées par la voix androgyne d'Eugénie de Mey. S'il a parfois la main lourde sur le crépitant continuo (on se situe à l'opposé du récent enregistrement sans instruments concertants de Bruno Boterf chez Ramée, (Classica n° 208), «fourni et festif (orgue, clavecin, harpes, théorbes, guitares baroques, ceterone) », Bestion sait aussi réduire la voilure en transcrivant certains versets hymniques du choeur pour une voix soliste. Les modulations arabisantes du « Nigra sum », qui rappellent le chant du muezzin, les contre­chants finement ouvragés aux violes, la rythmique souple des scansions ternaires et l'ornementation florissante se révèlent d'une profitable majoration poétique. On fond littéralement devant le majestueux portique des cuivres qui introduit le « Duo Seraphim »; n'eût‑elle à offrir que ce bref ajout, celui‑ci suffirait à conserver cette version en estime. On aime moins certaines antiennes à l'intégration plus problématique, et la walking‑bass d'un goût douteux précédant le « Laetatus sum ». Davantage de sobriété caractérise l'ultime Magnificat (partie dont le compositeur a précisé l'instrumentation), où le chef retourne à une interprétation plus consen-suelle.

Mais cette (re)lecture serait injustifiable sans une parfaite réalisation : les trois ténors de l'acrobatique et sublime « Duo Seraphim » sont admirables, comme le double choeur à dix voix du « Nisi Dominus ». Le glissement entre les registres grandioses et intimes s'opère avec un naturel confondant grâce à la qualité des membres du choeur La Tempête. Quid de la partition ? « La grande liberté que me procure cette oeuvre réside pour moi notamment dans le choix de ses couleurs, dans la multiplicité des timbres », précise Simon­-Pierre Bestion qui, ainsi, ne donne pas plus de beauté à ce qui en avait déjà: il ajoute du plaisir au plaisir.


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