Outil de traduction (Très approximatif)
Translator tool (Very approximate)
Analyste:Gaëtan Naulleau
Avec six volumes en
seize ans, la cadence de l'aventure scarlatienne de Pierre Hantaï n'est pas
celle d'un marathon mais d'une obsession tranquille. Il creuse le sillon de la
même façon que Scarlatti, au service exclusif d'une princesse murée dans son
palais madrilène, lui apportait sans cesse des sonates, seulement des sonates
toutes sorties du même moule. Cinq cent cinquante fois: A-reprise-B-reprise. On
ne connaît pas plus simple. Un garde-fou, au sein duquel tous les coups sont
permis. Hantaï à son tour les a tous expérimentés, dans l'atelier, sur scène, en
studio, en scrutant les prises pour tracer lui-même le plan de montage, sur
scène encore... Le résultat, dès le premier disque de la série a fasciné par le
fourmillement des timbres et des détails, au service d'une rhétorique volontiers
sinueuse. Mais c'est désormais l'autorité du geste, capable de cultiver
l'ambiguïté avec des moyens concentrés, qui définit le Scarlatti de Hantaï. Les
transitions d'une section à l'autre, les suspensions discrètes, les
juxtapositions calculées y sont aussi expressives que les idées elles-mêmes.
La remarque vaut aussi à l'échelle du programme. La première plage nous
accueille avec un tube en ré majeur ‑ arpèges trompettants, pirouettes, notes
répétées piquantes, duplications têtues, accords cinglants, soleil triomphant.
Fausse piste. Aussitôt Hantaï dévie dans un sol mineur que plus aucun
rayon ne perce (K 179). Plage 3 ‑ même tonalité, Plus long, plus lent,
plus las (K 234). En tout, dix minutes en sol mineur, après lesquelles l'amorce
frivole de la plage 4 (do majeur, K 501) est un baume. Mieux
encore: la sonate prend un sens tout particulier dans cette succession ; le
geste qui interrompt les galanteries vagues du début avec une sorte de glas (à
0'49") n'est plus un caprice mais un écho plombé.
Est‑ce pour la longueur de son de l'instrument (fantastique modèle allemand de
Jonte Knif, déjà dans les Volumes IV et V) que le programme laisse peu de place
aux pages acrobatiques (K 18 tout de même, d'un brio hautain, alla
Leonhardt) On s'en passe volontiers, captivé par la plus belle polyphonie sortie
de la plume de Scarlatti (K 69 en fa mineur, fuyante et d'un seul
souffle) et par des pièces qui, sur la page, semblaient « rêvées » plutôt que
composées (K 170, improvisation nonchalante).
Le jeu des ambiguïtés culminera plage 14 dans une sonate étrange, qui s'ouvre
sur un gazouillis difficile à cerner en si bémol majeur (K 544),
pour ensuite s'échapper vers toutes les tonalités mineures possibles, y revenir,
s'échapper encore... De l'anodin à l'obsédant, la frontière n'est qu'un papier à
cigarette avec Hantaï et son double.
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