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Appréciation d'ensemble: |
Outil de traduction (Très approximatif) |
Analyste:
Sophie Roughol Jumeau du « Memento Mori » de 2013 (cf. n° 617), « Passions » en adopte le principe : entre sacré et profane, spiritualité et sensualité, le baroque vénitien cultive la confusion de l'âme au profit d'une expression incarnée de la foi. Fuyant toute unité formelle, temporelle (1600‑1750, de Gabrieli à Caldara) ou même géographique (quelques échappées loin de la lagune), « Passions » juxtapose généreusement Crucifixus, motets et madrigaux, encadrés d'épisodes instrumentaux comme autant d'exégèses. L’album trouve son unité dans la puissance du verbe, auquel Les Cris de Paris soumettent leur éloquence. Notre seule et très légère réserve sera pour le désormais célèbre Hor ch'è tempo di dormire de Merula, avec son ostinato immuable qui balance entre deux notes tel un berceau : une progression si généreuse du continuo profite‑t‑elle vraiment à la tendre douleur hypnotique de la Vierge (magnifique Michiko Takahashi) ? Voisinage inspiré: le Crucifixus SV 259 de Monteverdi préfère aux exubérances doloristes une descente chromatique dans l'indicible, dont la Sinfonia de l'acte Il de L'Orfeo se fait l'écho. Séquence suivante : puissance et fermeté du contrepoint vénitien; les couleurs moirées (mezzos et contre‑ténors !) du Salve regina de Cavalli, puis un madrigal à 5 ln una siepe ombrosa de Lotti mènent à ses trois Crucifixus rageurs et hérissés de dissonances. Pause : la caméra revient en gros plan sur deux figures de la douleur; Adèle Carlier et Michiko Takahashi sont les deux Marie incandescentes du rare dialogue Quam amarum est Maria de Legrenzi. Deux pièces à 16 voix juxtaposées, l'Exaudi me polychorai de Gabrieli (dans une réalisation exceptionnelle, cinématographique et précise) et le Crucifixus majestueux de Caldara font très grande impression. Avec des pièces instrumentales de Biagio Marini, le madrigal E questa vita un lampo de Monteverdi, théâtral voire exubérant, mais d'une si belle acuité, est le testament de cet imaginaire musical. La rhétorique de Geoffroy Jourdain ‑ dynamiques puissantes et maîtrisées, subtile attention aux équilibres, fusion du verbe et de l'affect ‑ est servie par des interprètes merveilleusement ductiles.
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