Outil de traduction (Très approximatif)
Translator tool (Very approximate)
Analyste:Paul de Louit
Si
les transcriptions pour piano que Franz Liszt et Ferruccio Busoni ont faites des
oeuvres pour orgue de Bach ont éclipsé leurs rivales, c'est qu'il y a une bonne
raison : elles cherchent moins à restituer l'ampleur dynamique du « pape des
instruments » qu'à recomposer des équivalents à la richesse de son spectre
harmonique et à la variété de ses timbres. Eugen D'Albert ne témoigne pas de la
même invention : plus honnêtement, plus littéralement, il octavie à plaisir,
enrichit les accords, guère au‑delà. En revanche, ses indications dynamiques et
expressives étayent la vision que développe René Leibowitz, dans Le
Compositeur et son double : la transcription comme interprétation.
Le pianiste doit
donc choisir entre sa propre interprétation de Bach et celle du transcripteur.
Emanuele Delucchi choisit sans hésiter D’AIbert. Il a raison. Il renonce à la
sonorité de cathédrale que lui permettraient les basses de son Steinway de 1906
et n'hésite pas à percuter, à ferrailler, à se placer toujours du côté de la
dynamique. Celle qu'il communique à des fugues mineures (BVW534 ou 537)
emporte l'adhésion. En revanche, face à des monuments comme la PassacailleBVW 532 ou la Toccata et fugue en fa majeur BVW540, on pourra
préférer le sens de la construction et des étagements dont témoignait Piers Lane
(Hyperion).
Maintenant, si on veut un cogneur, un vrai, ce n'est pas vers Emanuele Delucchi,
mais vers Jan Lust qu'il faut se tourner. Lui ne choisit pas entre Bach et ses
transcripteurs. Se pose‑t‑il même la question ? Il ne s'embarrasse guère de
considérations formelles. Le bizarre ne le gêne pas ‑ le maniérisme rejoint le
surréalisme dans la Fantaisie et fugue en sol mineur BVW 542. Dans les
transcriptions de Busoni (Prélude et fugue en ré majeur BWV 532, Chaconne),
on a grand' peur pour le piano. Celui‑ci paraît s'en sortir, finalement, plus
indemne que nos oreilies.