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Appréciation d'ensemble: |
Outil de traduction (Très approximatif) |
Analyste:
Jean‑Luc Macla Elle nous a abreuvés d'excellents disques consacrés à la musique de notre temps et du XIXe siècle. Emmanuelle Bertrand explique que c'est la rencontre avec un instrument d'exception qui l'a incitée à graver les Suites de Bach : un violoncelle réalisé au début du XVIIIe par le Vénitien Carlo Tononi, dont les sonorités lui ont donné, dit‑elle, une vraie liberté dans l'approche des partitions, et l'impression de parvenir enfin à la « polyphonie virtuelle » imaginée par le Cantor. Si les cordes sont en boyaux, pour la qualité du timbre, la lecture se tient à l'écart des codes « baroques ». Ledit instrument se prête à des sonorités moelleuses autant que percutantes, qu'Emmanuelle Bertrand déploie sans réserve. La photo de couverture nous présente la musicienne le menton levé, dans une attitude de défi implacable, yeux et bouche fermés. Ce volontarisme imprègne tout un album sur lequel ne pèse aucune convention. On est saisi par des rubatos inattendus, des relances sèches, des tempos jamais uniformisés. Il y a là une verdeur de ton que nous ne connaissions guère, dans une tout autre optique, que sous l'archet du regretté Anner Bylsma ou de Pablo Casals. Prenez la Suite no 1 avec ses sons prolongés (par une acoustique très réverbérée) qui dessinent un Prélude sans découpe, les graves enveloppants de l'Allemande, le legato insistant de la Sarabande qui, distillant d'une manière originale les brefs silences, en accroît le côté dramatique. On admire la montée dynamique du premier Menuet à 1’ 05’’, effet vraiment novateur, tandis que la vivacité incroyable de la Gigue finale semble presque excessive. D'incessants changements de rythmes font paraître la Suite en ré mineur plus rapide que chez une Ophélie Gaillard. Les minutages sont pourtant très proches. On pourrait multiplier les exemples, telles les doubles cordes quasi agressives qui nous valent des graves virils dans la Suite no 5, ou la chevauchée irrésistible du Prélude puis les ondulations magiques de l'Allemande dans la no 6. Le début un peu fouillis de la cinquième Courante et l'allure languide de la Sarabande suivante nous trouvent plus réservés. Emmanuelle Bertrand, en cultivant un sentiment d'improvisation, prend le risque d'y perdre une certaine clarté du propos. L'auditeur qui n'est pas prêt à se laisser porter par une expérience aussi intense et humaine, celui qui a besoin de balises plus nettes dans le fil de l'écoute, sera fidèle à Navarra, Queyras, Fournier, Bylsma ou Gaillard... Il tentera malgré tout de les oublier, un moment, pour découvrir ces horizons nouveaux. |
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