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Analyste:
Denis Morier
Le
Seicento fut le siècle des révolutions esthétiques, suscitant l'émergence de la
seconda prattica, de la musica moderna et des nuove musiche. Il se signale
également, dans toute l'histoire de la musique, par la place qu'il a accordée
aux femmes compositrices. Dans les cours et les camere italiennes étaient alors
acclamées les oeuvres de Francesca Caccini, Barbara Strozzi et Antonia Bembo,
tandis que dans les couvents fleurissaient celles d'Isabella Leonarda, Caterina
Assandra et Chiara Margarita Cozzolani. Cette dernière a passé presque toute son
existence au couvent Santa Radegonda de Milan, dont elle devient la mère abbesse
vers 1660.
Elle nous laisse quatre recueils de musique sacrée, déjà bien documentés au
disque : outre-Atlantique, Warren Stewart leur a consacré quatre CD (Musica
Omnia), tandis que sur le Vieux Continent, l'ensemble Musica Secreta a peaufiné
un album superbe avec un effectif exclusivement féminin (Linn). Quelques pièces
isolées se trouvent aussi, entre de bonnes mains, chez Currende (Etcetera),
Artemisia (Tactus) et Orlando di Lasso (Thorofon). Mais les voici tous éclipsés
par un coup d'éclat qui inaugure la nouvelle carrière d'Emiliano Gonzalez Toro
et de ses Gemelli. Ce ténor éblouissant est un familier du baroque Italien : les
amoureux de Monteverdi et de Cavalli l'ont souvent applaudi dans les rôles les
plus emblématiques de ces auteurs. Il porte cette fois la double casquette de
chanteur et de chef, entouré de virtuoses confirmés. Parmi les instrumentistes,
Violaine Cochard, Juan Manuel Quintana et Ryo Terakado : excusez du peu ! Les
huit chanteurs du tout jeune ensemble sont déjà unis par une connivence à toute
épreuve, dans le brio comme dans les dialogues poétiques. Notre attention est
sans cesse captivée, tant ils émaillent leur discours d'effets rhétoriques et
expressifs en perpétuelle adéquation avec l'écriture contrastée de Cozzolani.
Leur vision analytique confère aux trames denses à huit voix une parfaite
lisibilité, jusque dans les épisodes les plus volubiles : en témoigne
l'extraordinaire aisance des deux ténors dans les passagi insensés du Nisi
Dominus, au détourduquel surgit, en un clin
d'oeil, une citation de L'Orfeo montéverdien.
Comment ne pas être enivré
par la rythmique extatique du Laetatus sum, ni bouleversé par le Duo
serafim d'Assandra (une autre bénédictine du couvent de Monello) : si son
motet paraît moins virtuose que le chef d'oeuvre éponyme de Monteverdi, il n'est
pas moins spectaculaire, avec sa poignante progression portant les trois voix
masculines jusqu'à une apothéose solaire. Enfin, le ténor solo offre un
merveilleux O Maria tu dulcis, paraphrase vibrante d'humanité du Salve
regina, toute de douceur et d'intériorité. Splendeur et extase sont ainsi au
rendez-vous pour ce premier opus triomphant : Braviagli Gemelli !
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