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Outil de traduction (Très approximatif) |
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Analyste:
Aurore
Léger « D'un côté c'est Alard et de l'autre Latry ». Le chiasme hugolien résume l'antinomie de ton des deux interprètes qui, chacun dans une démarche de haut vol, nous livrent un Bach en kaléidoscope. La difficulté de l'authenticité en musique est qu'elle suppose de réunir un compositeur, une musique, des instruments et, on l'oublie trop souvent, les oreilles d'une époque. C'est le défi de la quadrature du cercle. Il ne fait aucun doute que Bach, si soucieux de nouveautés et de couleurs, chez qui l'adaptation et la réécriture furent consubstantielles à la démarche créatrice, s'il avait pu goûter l'orgue de Notre‑Dame, en eut exploité toute la richesse. Le pari de Latry était osé. Il est aussi salutaire. Il eut été ridicule de singer, sur le plus grand instrument de France, les manières baroques. La réécriture, l'orchestration, la transcription étaient requises pour ne pas trahir l'esprit. C'est ce à quoi Latry, après Mendelssohn, Liszt, Reger et Stokowski, s'est essayé avec succès, rendant Bach dans une débauche inouïe de combinaisons qui font entendre l'instrument et la musique sous un jour nouveau. Peut‑être pourrait‑on regretter que ce très grand interprète n'ait pas davantage exploité, comme le fit notamment Stokowski, les ressources de l'agogie, nous laissant par moments au milieu du gué. Lorsqu'il le fait néanmoins, le résultat est saisissant: Toccata en ré mineur (sans doute la page la plus accomplie dans sa relecture), les chorals Herzlich Tutmich et Erbarm' dich (des sommets de musicalité), Fantaisie en sol mineur (dantesque). Le disque de Benjamin Alard s'inscrit dans une démarche inverse. Un Bach chambriste, sur un instrument de vingt‑deux jeux, qui fait raisonner avec finesse, trios, concertos et chorals. Le jeu est parfaitement lisible, d'une grande variété de phrasés et d'articulations, dynamique, nerveux par moments, ce qui permet à Alard de reproduire, avec un réalisme confondant, les coups d'archet du violon dans la Fugue BWV539 ou les arpèges d'un trait de viole dans le finale de la Sonate en trio. L’Andante de cette dernière, chantant et coulant sur ses marches en pizzicati, est une grande réussite. Il en est de même que la Fugue sur le Magnificat BWV 733, péremptoire et dont les accents archaïques sont restitués dans une grande clarté polyphonique et vivacité rythmique. Le très célèbre choral Kommst du nun BWV 650 est abordé avec un calme et une élégance fidèles à l'esprit de la Cantate BWV 137 et qui tranchent avec la virtuosité un peu gratuite à laquelle la discographie nous a tant habitués. Si sa démarche n'est pas neuve, Benjamin Alard parvient toutefois à insuffler à la musique de Bach un relief d'autant plus agréable que la surabondante discographie qui lui est dédiée en est souvent dépourvue.
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