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Analyste:
Philippe Venturini AINSI SOIENT‑ELLES La théâtralité des histoires sacrées de Marc‑Antoine Charpentier n'a pas échappé à Sébastien Daucé, qui livre un disque singulier. Comme le rappellent les textes de présentation de Catherine Cessac et Thomas Leconte, ces histoires sacrées relèvent du « genre religieux musical et dramatique en latin où des personnages sont caractérisés ». Le plus souvent tiré de l'Ancien ou du Nouveau Testament, le texte est distribué entre deux personnages ou groupes de façon à instaurer un dialogue « entre ciel et terre », à créer une dramaturgie susceptible de solidifier ou revivifier une foi « mise à mal par les idées de la Réforme et ses propres abus ». En ces années 1680‑1690, la musique sert presque plus d'instrument de reconquête spirituelle que ne s'accomplit dans un objet purement artistique. Pour marquer les esprits, convaincre et rassembler un troupeau parfois égaillé, ce projet pastoral ne craint pas d'emprunter un vocabulaire théâtral. Charpentier met ainsi à profit ses découvertes romaines effectuées à la fin des années 1660, use d'un langage fortement contrasté, tourmenté, « d'interjections mises en valeur musicalement par des répétitions et des silences » Sébastien Daucé et son Ensemble Correspondances ont construit un programme autour de trois figures féminines principales, Cécile, Judith et Madeleine, dont le martyre ou le destin exceptionnel ont d'incontestables vertus édificatrices, auxquelles s'ajoute l'amitié entre David et Jonathas. Ce programme a fait l'objet d'une mise en scène, sobre et éloquente, de Vincent Huguet, captée à la Chapelle royale du château de Versailles et reportée sur un DVD bonus. Sans doute a‑t‑elle stimulé l'expression des interprètes dont l'intelligence de cette musique religieuse française du XVIIe siècle n'est plus à rappeler. La tenue, l'homogénéité, la justesse de la mise en place, le soin apporté aux détails qui signalent depuis toujours le travail de l'Ensemble Correspondances valorisent la palette de Charpentier, de la vaillance de Judith refusant d'abdiquer et déterminée à délivrer la ville de Béthulie des Assyriens au récit de la décollation d'Holopherne en passant par la douleur de Saül appelant la mort (bouleversant « Tolle, quaeso »). Dans cette musique où l'autel approche la scène, les interprètes savent l'importance du choeur dans la transmission du message et la puissance d'une harmonie tourmentée (choeur « O sors! » dans Mors Saülis et Jonathae). Sans se démettre d'une solennité de rigueur, Sébastien Daucé et ses musiciens font vibrer chaque mot et chaque note, comme si l'atticisme d'un Le Sueur ou d'un Champaigne se rehaussait de contrastes caravagesques. Confiées à de tels conteurs, ces histoires sacrées sont diablement palpitantes.
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