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Classica # 214 (07-08 / 2019)
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Analyste:  Philippe Venturini

Dans l'article nécrologique consacré à Bach publié en 1754, son fils Carl Philipp Emanuel et son élève Johann Friedrich Agricola signalent pas moins de cinq passions. À celles selon saint Jean et saint Matthieu s'en ajoutent donc trois dont, seule, celle selon saint Marc est documen­tée : subsistent en effet le livret de la création, le Vendredi saint de 1731 en l'église Saint‑Thomas, à Leipzig, et celui d'une reprise, au même endroit, en 1744. Il est signé Christian Heinrich Heinrici, connu sous le pseudonyme de Picander et comme auteur du texte de la Passion selon Matthieu et de plusieurs cantates. La musique a, en revanche, disparu et les musicologues s'attachent à la reconstituer sur le principe de la parodie, c'est‑à‑dire une adaptation d'autres pièces de Bach, procédé cher au compositeur. 

Depuis l'enregistrement pionnier de Wolfgang Gônnenwein (Erato, 1965), la discographie compte une petite trentaine de propositions, parfois  fort différentes, Ton Koopman (Erato, 1999) n'ayant pas hésité à prendre la plume de Bach. Les différences les plus spectaculaires se perçoivent, bien sûr, dans le choix des airs. Si Jordi Savall et Andreas Fischer partent de la même base, constituée des choeurs d'ouverture et de fin ainsi que de trois airs de l'Ode funèbre BWV198, auxquels s'ajoute l'air initial de la Cantate BWV54, ils suivent des voies distinctes. Le premier choisit l'édition d'Alexander Grychtolik (Peters) tandis que le second a établi sa propre partition (Ortus Musikverlag). Pour les quatre airs restants, il y a d'un côté des emprunts à la Passion selon saint Jean et aux Cantates BWV 2,171 et 173, de l'autre, des options ... que le chef et l'éditeur ne précisent pas.

Enregistrée en concert, la version de Jordi Savall profite d'une ampleur sonore, d'une solide assise dans le grave et d'une ferveur auxquelles ses musiciens nous ont habitués. Sans jamais forcer le trait, le récit de la Passion suit son cours inflexible, ponctué de chorals plus portés par le souffle que modelés par la carrure. Les interventions chorales, celles qui accompagnent l'arrestation du Christ ou les cris haineux de la foule, font par ailleurs montre d'intensité, magnifiées par la maîtrise Veus‑Cor infantil Amics de la Unió. Il faut mal­heureusement se satisfaire d'un Évangéliste sans charisme, d'un contre‑ténor bien fade et de violons parfois en difficulté. Les trois airs de Reinoud Van Mechelen contrastent par leur plénitude, leur assurance et leur justesse.

Andreas Fischer semble plus volontaire que Jordi Savall, le geste souvent impérieux, le tempo décidé (l'air de BWV54), excepté dans le choeur introductif où les rythmes pointés s'engluent (prise de son?). Mais son Évangéliste, qui assure également les airs de ténor, se bat avec sa partition, ses solistes n'ont rien de remarquable et les chorals restent un peu mécaniques. Mais, surtout, le sens de la narration et la dimension spirituelle font définitivement défaut. Malgré des réserves, c'est donc Jordi Savall qu'il faudra suivre pour imaginer cette Passion selon saint Marc.             


 

   

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