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Appréciation d'ensemble: |
Outil de traduction (Très approximatif) |
Analyste:
Gaëtan Naulleau Si rien n'est facile dans le premier Livre du Clavier bien tempéré , tout est franchement difficile dans le second. Le contrepoint présente de nouvelles sophistications, dans des mouvements souvent plus longs (mais il n'est pas moins piégeux quand il concentre des trésors de fantaisie dans la « petite » Fugue en do dièse majeur , étourdissante avec Céline Frisch). La panoplie encyclopédique des styles (Bach a composé entre-temps des centaines de cantates, découvert le nouveau goût galant… ) pose d'autres défis, que bien des interprètes sous-estiment. On s'y aventure à tâtons, loin du cadre familier des Suites de danses, du parcours clairement orienté des Variations Goldberg, du matériau unifié pour L'Art de la fugue. Faut-il donc s'étonner que ce deuxième Livre n'ait pas eu de chance en studios depuis quelques lustres ? Même Christophe Rousset en 2013 se laissait prendre au piège d'une lecture à la loupe, dont la nervosité trahissait l'effort (cf. no 620 ). La proposition saillante des dix dernières années revenait au savant John Butt. Son art du clavier n'était peut-être pas éblouissant, mais son intelligence de l'écriture nuançait un éventail de caractères peu académique (Linn, cf. no 631). C'est aussi l'une des forces de Céline Frisch. Le traitement contrasté du Prélude en fa mineur est une vraie surprise ; bien malin l'auditeur qui anticiperait la façon dont le propos va se développer, entre suspensions, affirmations et apartés. Tout ce qui peut dérouter sur la partition du Prélude en mi bémol mineur trouve sens au gré de registrations inattendues : l'harmonieuse invention à deux voix du départ sera gangrenée par une véritable folie, qui bascule dans l'une des fugues les plus austères du cahier. Aucun systématisme ne pèse sur les options de Frisch, aussi bluffante dans les développements réguliers. Un souffle tranquille porte loin les spirales du Prélude en mi majeur - la conduite impeccable du grand geste harmonique se traduit toujours chez elle en termes de respiration. Les relances peuvent s'articuler sans rupture, les ostinatos et les mouvements dansés n'oublient jamais de chanter (Prélude en ré mineur, fabuleuses fugues n mi bémol et la bémol majeur). Un véritable orchestre L'irruption furieuse de la Fugue en do dièse mineur fait un divin raffut et nous vaut, après le prélude, une autre douche écossaise, stimulante en diable ! Donner une telle mobilité aux rythmes effervescents de gigue sur le plein-jeu, dans les graves comme dans l'aigu, et cela sans verticaliser le propos, n'est pas une mince affaire. On y mesure aussi la perfection de l'instrument réalisé par Andrea Restelli d'après celui de Christian Vater (1738), qui s'oppose en presque tout au clavecin plus franc d'attaque et moins résonant choisi en 2016 pour le premier Livre (cf. no 642, Diapason d'or). Les micros d'Aline Blondiau flattent son moelleux (celui d'un véritable orchestre dans les tutti). Céline Frisch tente toutes les combinaisons de registres possibles, toutes gagnantes. Le jeu de 4 pieds mis à nu dans la Fugue en la majeur est un délice, celle en mi mineur revient à une bande de hautbois robustes, la profondeur des résonances permet à la Fugue en mi majeur de se déployer comme sur un grand orgue doux. L'ampleur exceptionnelle de la palette est un atout majeur dans ce cahier-kaléidoscope. Les bémols sont vite comptés (lenteur séduisante puis trop divagante du Prélude en do dièse mineur, Prélude en la majeur pressé avant de se stabiliser à son tempo véritable, Prélude en sol mineur), ils ne sont rien à l'échelle du labyrinthe. Le plaisir d'écoute qui éclaire sa complexité, et donne envie d'y revenir régulièrement, n'a pas de prix. |
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