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Diapason # 678 (04 /2019)
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Musique en Wallonie
MEW1890




Code-barres / Barcode : 5425008318905

Appréciation d'ensemble:

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Analyste: Jean-Luc Macia
 

Il a fallu trente ans pour que ce petit bijou, capté par la Radio suisse à Fribourg, soit édité par Musique en Wallonie - une région dans laquelle Torri, né au bord du lac de Garde, puis attaché à la cour de Bavière, est resté quelques années. Son maître, l'électeur Maximilien-Emmanuel de Wittesbach, fut nommé en 1691 gouverneur des Pays-Bas espagnols, séjournant entre autres à Lille, Liège ou Bruxelles - où Torri crée plusieurs oratorios.

La Vanita del mondo (1706), n'est pas un chef-d'oeuvre mais un bon exemple de façonnage d'oratorio à l'italienne dans la lignée de Cavalli ou Stradella, avec une petite influence de Charpentier. Le livret sillonne les sentiers (moraux) battus : l'Âme est tentée par le Plaisir, le Monde et leurs bonheurs illusoires mais, après bien des hésitations, elle sera convaincue par la Grâce de choisir la voie céleste vers Dieu. Une bonne vingtaine d'arias plutôt courtes, des récitatifs essentiellement secco , deux brèves sinfonias et trois choeurs balisent ce cheminement dans un climat proche de l'opéra. Les airs les plus accomplis font intervenir un violon solo, voire une violetta, sorte d'alto du XVIIe siècle, traités de façon virtuoses. L'Anima est, sous cet angle, la mieux servie, avec comme point d'orgue l'air (le plus long de l'oeuvre, six minutes) qui achève la première partie : torturée par son dilemme, elle en appelle aux Cieux pour se décider, soutenue par un violon exubérant quoique dans une atmosphère poignante.

Reinhard Goebel s'est lancé dans cette aventure deux ans après ses Brandebourgeois qui changèrent la face du baroque. Il prend la partition à bras-le-corps avec un sens du théâtre, un soin des détails instrumentaux et une connaissance du style italien qui épatent. Mais encore, il se partage les solos de violon avec Manfredo Kraemer et Florian Deuter (la notice oublie d'ailleurs de préciser qui joue quoi), c'est dire si nous évoluons sur des sommets. La verdeur des tutti des cordes, l'alchimie de leur fusion avec le hautbois et la verve du continuo convergent dans un théâtre naissant.

Chargé d'un rôle très lourd, qui plus est capté en concert, Derek Lee Ragin arbore une voix souvent fluette, qui survole parfois les vocalises. Néanmoins il s'investit peu à peu dans son personnage symbolique et se montre troublant, proche de l'extase, dans son grand air interrogatif puis quand son choix est fait. Il faut dire que la réverbération de l'église rend tous les chanteurs assez distants. On ne reconnaît pas le grain habituel de Barbara Schlick, mais bien sa tenue de chant ses phrasés admirables. Présente-t-elle la sensualité attendue du Plaisir ? C'est une autre question. A son meilleur, Michael Schopper incarne un Monde inquiétant. Ses graves mordants nous invitent avec force à des péchés coupables. Il est le seul à surmonter le handicap des conditions sonores avec, bien sûr, l'épatante Musica Antiqua Köln. Il y a deux ans, Musique en Wallonie avait déjà ressuscité un autre oratorio de Torri, Le Martyre des Macchabées , mais cette Vanita méritait encore plus la redécouverte. Peut-être pas un diamant mais un bijou assurément.


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