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Outil de traduction (Très approximatif) |
Analyste: Gaëtan Naulleau Les concertos pour violon de Bach en un peu plus de 2 h 20’ ? Car Isabelle Faust ajoute aux trois pièces habituelles quelques mouvements de cantates (épatante Sinfonia de la BWV 174, où le finale trépidant du Concert brandebourgeois no 3 est épicé par trois cors) et surtout six reconstructions. Trois sont bien connues et reposent sur des concertos pour clavecin(s). Deux autres sont de nouveaux avatars des sonates en trio pour orgue, partagées cette fois entre hautbois, violon et continuo. La dernière est la plus rare : la Suite d'orchestre BWV 1067 descend d'un ton et passe de la flûte au violon, selon une théorie déjà ancienne. Siegbert Rampe l'illustrait déjà en 2001, mais la partie qui plafonne autour du la (cas unique où les violons de ripieno montent plus haut que le soliste) n'a pas attiré grand monde depuis. L'aisance perfectionniste d'Isabelle Faust et les textures de l'Akademie berlinoise, aussi raffinées dans les piqués des Bourrées que dans la Sarabande, valent toutes les suppositions musicologiques. Le Menuet a un chic fou, la Badinerie fait écho aux Sauvages de Rameau - les flûtistes en pâliront d'envie. L'autre sommet du double album est, à l'inverse, d'une virtuosité démonstrative -le festival périlleux de bariolages et de pirouettes, déduits du long BWV 1052 pour clavecin, laisse d'ailleurs planer un sérieux doute sur l'existence d'un état original pour violon. On était curieux de retrouver Isabelle Faust dans une œuvre qu'elle avait splendidement défendue à l'orée de sa carrière avec Helmuth Rilling (Hänssler 2000, l'arrangement était sensiblement différent de l'actuel, non crédité et peut-être retouché par Faust elle-même). La nouvelle prise de son laisse résonner des basses plus enrobées et écarte un peu la soliste, dont le jeu lui-même a beaucoup changé. Moins musclé ? Mais pas moins énergique, dans un travail par toutes petites touches bondissantes et puissantes que décuple le pouvoir de la couleur. La palette du premier mouvement est plus grisante encore que les accumulations rythmiques de l'écriture, celle du finale est sensationnelle. L'archet de Faust, sur un Stainer de 1658, donne une présence magnétique au pianissimo. Son colorisme sophistiqué, auquel l'orchestre réagit à chaque instant par des textures complémentaires, ne tombe pas dans le piège de l'éparpillement. Ailleurs, les sujets d'ébahissement ne manquent pas (le finale du BWV 1060, avec ses irisations de triples croches, celui de la Sonate BWV 1057, la cadence pianissimo glissée dans le premier mouvement du BWV 1042, où soliste et orchestre mettent les ritournelles en scène avec ingéniosité). Les finales des deux sonates en trio passent si vite que l'oreille risque de s'attacher moins au dialogue serré qu'au geste harmonique - pourquoi pas ? Nous entendons la seule limite de l'approche dans certains mouvements qui appellent plus de poids dans le caractère, plus de soutien dans les phrasés. Le premier Allegro du BWV 1060 y perd sa noirceur, l'Adagio en do dièse mineur du BWV 1041 son accablement, le Largo du Trio BWV 529 son amertume (c'est même assez maniéré). Nous ne pouvons pas nous empêcher d'y voir un chant de deuil orienté vers un climax déchirant, Isabelle Faust y entend un songe inquiet et une arabesque infinie, avec des dégradés dans la douceur que nous pensions inatteignables dans un jeu senza vibrato. Tous les violonistes intéressés par les cordes en boyaux doivent connaître ce qu'Isabelle Faust en tire, par sa maîtrise sans bornes et son imagination. |
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