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Diapason # 678 (04 /2019)
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Linn
CKD592




Code-barres / Barcode : 691062059220

Appréciation d'ensemble:

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Analyste: Gaëtan Naulleau

 

Première plage et titre du programme, The Cares of Lovers nous cueille à froid malgré la présence précise de chaque mot et la prise de son claire comme l'eau de roche signée Philip Hobbs - parfait équilibre entre le chant à fleur de lèvres et les deux instruments à cordes pincées. Plage 2, le récitatif de Sweeter than roses se déploie sans laisser flotter le « cool evening breeze » dont Alfred Deller faisait jadis un trésor d'évocation voluptueuse. Mais le théâtre s'impose à partir de « made me freeze », et le continuo déchaîné aide Rowan Pierce à décocher, avec un aplomb épatant, les flèches du « victorious love » (flèches assez tordues, avouons-le,

dans le carquois de Deller). Troisième étape, From silent shades , cette scène de folie où Purcell entasse douze sections en quatre minutes pour peindre « Mad Bess », prisonnière d'un hospice mais « dans ses pensées, aussi grande que le roi ». Aucune déraison chez Rowan Pierce, un ange agité.

Mais l'amateur de Purcell sait qu'il est trop tôt pour décrocher, il a déjà trouvé plus d'une perle dans des récitals imparfaits. Le seul vice qui promet de gâcher un bouquet de songs entier est l'aveuglement des chanteurs qui soumettent les élans inventifs du mot aux tournures banales du beau chant. Anna Dennis s'y laissait piéger le mois dernier (Resonus), pas sa jeune collègue galloise. Sans vouloir maquiller un timbre monochrome (et divin tel quel), elle cherche plutôt la

variété dans le dessin et les fins ressorts de la prosodie. Cette ressource cruciale chez Purcel, mais négligée par la plupart de ses chanteurs aujourd'hui, nous tient en haleine dans les strophes transparentes de « Retired from any mortal's sigh », et donne tout son relief à If Music be the food of love.

Mais la perle est ailleurs, inattendue. Une musicienne s'exprimant sans arrière-pensée, d'un timbre ingénu, peut-elle habiter les steppes de O solitude ? Les grandes versions (celles qui ne s'épuisent pas une minute après l'exorde toujours poignant) se comptent sur les doigts d'une main. La soprano prend congé du Monde avec l'élégance simple d'une jeune femme entrant dans les ordres, le théorbe de William Carter soutient seul sa confidence, merveilleux de toucher, d'économie de moyens, de conduite, dès son prélude improvisé.

Dans un tout autre registre, l'autre sommet de l'album profite à une pièce mal servie au disque. Seule Barbara Bonney (Decca) avait su faire danser sans s'essouffler les mots du She loves and she confesses too, chaconne dont Rowan Pierce fait un traité de malice. Retenons aussi d'un parcours imprévisible, plutôt qu'un Music for a while terre à terre (et si compliqué sous les mains du claveciniste. ..), le diptyque Morning hymn-Evening hymn offert en conclusion, porté avec une détermination lumineuse et concentrée, sans l'ombre d'un maniérisme. Le compliment vaut pour l'album entier.


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