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Diapason # 677 (03 /2019)
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DG 4835050  




Code-barres / Barcode : 028948350506

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Analyste: Gaëtan Naulleau
 

Atypique, indiscutablement. La distanciation, l'effort d'unification et les cadres nets prônés par les bachiens formalistes laissent Giuliano Carmignola indifférent, sa sensibilité imprègne chaque recoin des Sei solo, sans se cacher. L’auditeur fidèle de Kuijken, Podger ou Beyer risque aussi de chercher ses repères. Il faudra déposer ses habitudes au vestiaire, accepter de s’égarer avec le violoniste italien, progresser en perdant de vue la ligne d'horizon, à des tempos souvent retenus. Par ses deux heures trente, son intégrale avoisine celle du jeune Menuhin. Ne cherchez pas d'autre point commun. 

Certains verront dans cette palette de tempos la prudence d'un artiste qui se sait fragile sur ce terrain. De fait, sa virtuosité ne se coule pas aisément dans l'écriture méandreuse des Sonates et partitas. Des concerts l'ont montré à la peine, parfois franchement désarçonné. Un premier enregistrement, il y a une douzaine d'années, fut sagement rangé aux oubliettes par l'éditeur. Mais avons­nous un seul instant le sentiment d'entendre un artiste prudent en suivant son archet impulsif, qui ne s'impose pas d'éteindre, par dévotion pour Bach, la flamme fantasque et particulièrement attachante dont brillent ses fameux Vivaldi ? Contenue dans les deux premières sonates (Fugue en sol mineur assez surveillée), éblouissante en fin de cycle dans la Partita en mi majeur, abordée comme une succession de caprices, elle s'affirme à partir de l ‘Adagio en do majeur: le violoniste cambre sa brève idée principale comme un élan brisé, dont les répétitions incantatoires, et donc les ruptures innombrables, nourrissent un tableau atypique au regard des « modernes » autant que des « baroques ». 

Plutôt qu'à son amie Amandine Beyer, l'approche de Carmignola fait écho, toutes considérations stylistiques mises à part, à la projection poétique de Christian Tetzlaff, fier d'enjamber les symétries de surface dans une narration intarissable et changeant sans cesse d'éclairage, de nuance dynamique, de phrasé, de couleur, de teinte. L’excellente prise de son, assez proche et crue, de Michael Seberich veille à ne pas lisser ce foisonnement. 

Mais Carmignola prend parfois le risque de nous noyer sous une saturation d'informations ‑ Tetzlaff contournait génialement cet écueil. Des mouvements commencés de façon enthousiasmante nous ont donné envie, après la reprise de la première partie, et mesurant l'étendue restante du chemin, de sortir un cachet d'aspirine. À ce jeu, l'Allegro final en la mineur et la Sarabande en mineur nous épuisent, mais l'Allemande en mineur, avec ses accents sauvages et ses replis soudains, nous saisit. 

De la splendide Chaconne (assez lente, en 14’) nous retiendrons une option inédite, « contre‑nature » sans doute et bouleversante : le dernier couplet en majeur ne catalyse pas dans ses bariolages résonants un sursaut d'énergie, mais scintille, s'amenuise piano et nous ramène sans rupture, après le ciel glorieux où s'évadait la partie centrale, à notre vallée de larmes. 

Ce théâtre en solitaire se dérobe à toute clef de lecture. Nous croyons comprendre après une Partita en si mineur singulièrement expressive (c'est souvent l'inverse) que l'invention de Carmignola gagne en lisibilité dans son cadre régulier ‑ il y déforme sans complexe les mouvements perpétuels, à mi‑chemin entre le rebond franc de la danse baroque et ces ballets où Merce Cunningham s'ingénie à déplacer le centre de gravité des corps. Mais l'un des sommets de l'intégrale culmine, contre toute attente, sur la construction la plus irrégulière et cérébrale du cycle: la Fugue en do majeur respire comme une improvisation. Si le tempo est très large (11' 46' contre 8' 28" chez Beyer, 9'50" environ chez Podger, Milstein et Tetzlaff), c'est que l'archet, sans certitude d'architecte, prend le temps de nous glisser régulièrement « voyons ce que nous pourrions en faire maintenant », tout amusé qu'il est par les possibilités combinatoires des motifs, par la joie des digressions, par les embûches qui se présentent et qui sont la vie même.

 

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