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Analyste:Jean-Michel
Molkhou
Jouer Bach au piano
conduit-il nécessairement à une totale remise en cause instrumentale ? Cela ne
semble pas être l'avis de Federico Colli. Le clavecin lui inspire, dans les
mouvements rapides, une sonorité pleine et homogène où les voix se distinguent
par la couleur de leur tessiture ; le clavicorde lui suggère la texture
impalpable des mouvements lents. Il ne renonce pas pour autant aux artifices
dynamiques du piano, qui guident l'auditeur à travers les méandres du discours,
distinguent des solos orchestraux et ménagent d'impressionnantes progressions.
Aux antipodes de la froideur objective trop souvent associée au sublime bachien,
Colli met en évidence les intentions expressives qui se dissimulent derrière la
belle architecture et les élégances de contrepoint, insufflant une vie intense à
la Partita en ré majeur et au Concerto italien.
La Chaconne pour violon seul arrangée par Busoni se révèle beaucoup moins
convaincante. Faire voisiner musiques originales et transcriptions n'est pas
sans risque : ce qui les sépare apparaît au final plus important que ce qui les
réunit, et les partis pris qui fonctionnaient là (la prise de son, notamment)
s'avèrent ici beaucoup moins efficients. Colli a en outre élaboré pour cette
pièce un « scénario » qu'il détaille longuement dans la notice, mêlant Passion
et Apocalypse. A priori en phase avec l'éthos de Busoni, ce prurit imaginatif
entraîne l'interprète dans la boursouflure et des excès percussifs à vocation
descriptive, que rachètent, dans les moments d'extase, de beaux pianissimos.
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