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Analyste:Philippe Ramin
Premier prix au Concours Mozart de Salzbourg en 2011 puis au Concours de Leeds
en 2012, Federico Colli a de l'imagination à revendre. Scarlatti aussi. Le
jeune homme semble fasciné
par la personnalité trouble du Napolitain, dont la mélancolie (sans doute liée
au statut d'expatrié et au fardeau de la figure paternelle) pourrait expliquer
un discours musical assez tourmenté. Tournant le dos à une tradition où le jeu
perlé et le beau legato vont de pair avec une palette dynamique policée (exercice
auquel une Angela Hewitt excelle), Colli passe en un instant de la transparence
la plus diaphane à des accents sanguins, où il montre ses muscles sans
complexes. Et cela fonctionne aussi bien dans le chant embrumé et comme
désarticulé de la célébrissime K 208 que dans la posture grotesque et
emphatique de la K 234. La course effrénée de la K 396, l'implacable
tension de K 525 tirent clairement le compositeur vers Beethoven et
au‑delà, vers un romantisme exalté et fébrile.
Quand Colli
décide de changer un caractère (Pastorale en ré tournant à la
barcarolle), il retravaille en profondeur la structure et le détail, soigne la
cohérence d'un discours entièrement réinventé. Ce Scarlatti oscillant entre
fougue et pâmoison pourra déranger tant il s'attarde sur un détail, s'enivre
d'une couleur harmonique, fait ressortir une occasionnelle polyphonie. Difficile
de rester insensible à l'engagement du musicien et à la stylisation puissante de
ce Scarlatti, dont le culot fait écho aux « réécritures » flamboyantes de
Yevgeny Sudbin dans son récital Scarlatti de 2016 (Bis).
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