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Diapason # 668 (05/2018)
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Harmonia Mundi
HMM90245052



Code-barres / Barcode :3149020245026

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Analyste: Philippe Ramin


Benjamin Alard aime les cycles de Bach, il a d'abord eu l'idée de graver pour Alpha les quatre volumes de la Clavierübung ‑ ce qui lui permet sa double casquette de claveciniste et d'organiste. Mais à l'heure de conclure, avec les Variations Goldberg, il arrive chez Harmonia Mundi et repart à zéro, pour une aventure bien plus vaste : tout ! Tout l'orgue et tout le clavecin, ce que personne avant lui n'a réalisé.

La première livraison de ce parcours chronologique remonte à la source: les premières oeuvres du jeune compositeur (nous le quittons à vingt ans) mais aussi les maîtres qui l'ont nourri. Le premier CD en visite neuf. Böhm (dont Bach fut l'élève à Lunebourg), Frescobaldi et Grigny (il recopia les Fiori musicali du premier et le Livre d'orgue du second) sont naturellement de la partie. Mais pas Buxtehude, pas encore : les échos du fameux voyage à Lübeck seront certainement pour le Volume II, tout comme les plus anciennes toccatas. La seule page célèbre au programme arrive, CD 3, avec le Caprice sur le départ du frère bien-aimé. L'évocation du contexte musical est vertigineuse quand on songe que Grigny, dans son « point, d'orgue sur les grands jeux » s'inspiré lui-même de Muffat et Frescobaldi. Cette mise en perspective permet d'apprécier à leur juste valeur des pièces qui pâlissent habituellement d'une comparaison directe avec les compositions de la maturité.

Benjamin Alard excelle sur ce terrain glissant. Sa hauteur de vue va de pair avec un sentiment spirituel troublant, dans les chorals où le jeune Bach suit les traces de Böhm (CD 2, sur la période de Lunebourg). Sans artifice, il sait trouver, par exemple, une substance poétique étonnante dans le modeste Das alte Jahr (dont la simplicité d'écriture est tout sauf un cadeau pour l'interprète).

Si l'inspiration du jeune Bach transcende rarement ses modèles, dans les deux premiers CD, elle s'affirme avec brio dans le troisième, qui nous conduit à Arnstadt. Mais elle s'affirme encore, en s'appropriant des styles précis : Aria varlatia alla maniera italiana, fugue sur des thème italiens, petites Suites à programme dans le style de Kuhnau et Pachelbel. Quelle belle surprise alors de redécouvrir le Caprice sur le départ de son frère bien-aimé joué à l'orgue ! Une option qui rend plus sensible le lien de Bach avec Froberger des Lamentations, notamment dans l"aria « adagiosissimo ».

L'orgue Silbermann de l'église Sainte-Aurélie de Strasbourg, restauré par Quentin Blumenroeder, présente des caractéristiques voisines des orgues de Saxe sur le plan de l'éclat et de la force – la voix humaine y est particulièrement somptueuse et éloquente. Le clavecin est un modèle hybride, qui réunit deux esthétiques flamandes. Alard sait le faire parler avec la plus suave douceur (allemande de la Suite en la) et ne manque pas de persuasion dans les pages les plus brillantes (fugues en mi mineur).

Un tel accomplissement, dans ce qui est pour l'interprète la part plus ingrate d'une intégrale, nous fait guetter la suite avec impatience.


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