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Appréciation d'ensemble: |
Outil de traduction (Très approximatif) |
Analyste:
Jean‑Philippe Grosperrin Sur la terre, comme au ciel qu'escaladent les titans foudroyés par Jupiter, comme sous les mers où s'unissent la nymphe Naïs et Neptune jusqu'alors déguisé en berger. L’invention théâtrale et chorégraphique du livret (merci Cahusac) a stimulé la fécondité de Rameau, et cet « opéra pour la paix » (le traité d'Aix‑la‑Chapelle en 1748), après l'enregistrement lacunaire de Nicholas McGegan en 1980 (Erato), trouve enfin son intégrale, fondée sur l'édition récente de la partition par Pascal Denécheau. On découvre donc nombre de numéros conséquents (notamment de la version primitive de 1749), c'est‑à‑dire l'intégrité des danses et des architectures conçues par le compositeur: grandioses tableaux choraux du prologue, séquence pastorale (non moins géniale) de l'oracle, divertissement final au complet ‑ l'air « Je ne sais quel ennui me presse », parfaite émanation de l'esprit Louis XV, est donné, lui, dans sa version abrégée. Et quelle qualité de réalisation, après les mollesses, les approximations et les hasards vocaux de la version Erato! György Vashegyi et ses deux ensembles respirent à l'unisson un air de grandeur, leur maîtrise du mouvement et du coloris révélant les parentés d'atmosphère entre Naïs et Les Boréades. Dans l'entre‑deux qui caractérise cette « pastorale héroïque », l'interprétation flatte le sublime homérique du prologue, l'ample involution de la chaconne « sans vitesse » à l'acte I, plus généralement la plénitude des espaces musicaux... au risque de négliger les nuances de la tendresse (bergerie du II), à l'image de Daniela Skorka, curieusement musclée en Flore. Chantal Santon‑Jeffery, malgré les ressources sensuelles d'une voix qui rend avec intelligence et générosité le dialogue avec Télénus et surtout avec Neptune au III, offre à l'héroïne un soprano trop uniforme, inégalement focalisé (aussi dans son verbe), quelque chose d'inerte se glissant çà et là dans sa phrase, dès son entrée. Nulle faille dans la distribution masculine, silhouettes comprises (Palémon impeccable, Astérion très soutenu). Dans leurs rôles doubles, Thomas Dolié et Florian Sempey se complètent opportunément, le premier plus sensible et sombre, le second éclatant de majesté en Jupiter puis d'une sobriété judicieuse en devin aux oiseaux. Reinoud Van Mechelen enfin, à la fois pâtre et dieu, confirme sa suprématie actuelle dans les rôles de Pierre Jélyotte. Non content d'enlever l'ariette finale avec autant de nerf que de grâce, il assemble à un degré exceptionnel l'élégance infinie du modelé vocal, l'imagination des couleurs à partir du texte, une sensibilité confondante à la manière et à la profondeur de cet univers. La poésie d'aurore de son monologue au début du III, en harmonie avec l'orchestre, est un des grands moments de cette intégrale. « O nuit, fais place au jour » : place à Naïs ! |
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