Outil de traduction (Très approximatif)
Translator tool (Very approximate)
Analyste:Philippe Ramin
Il y a un demi-siècle encore,
les clavecinistes ne se frottaient guère aux notations en grande partie
énigmatiques (et pas seulement celle des fameux préludes non mesurés) de Louis
Couperin. Prenez cette Sarabande en sol mineur. Simple, obstinément
simple, sur la page. Et complexe, instable, amère, quand l’interprète sait
entendre ses flottements harmoniques et décoder une écriture intimement liée aux
modes de jeu spécifiques du clavecin. Leonhardt, Verlet et Grémy‑Chauliac
oeuvrèrent en pionniers.
Les quelques pianistes assez inconscients pour s’aventurer sur ce terrain n'ont
pas vraiment préparé le miracle sui generis qui se joue dans le
programme‑fleuve de Pavel Kolesnikov, deux ans après le bouquet de mazurkas
distingué par un Diapasond'or de l'année (Hyperion). Savoir si
bien creuser dans l’écriture de Chopin les strates impalpables et les
hésitations du sentiment était sans doute une meilleure école que tous les
préludes et fugues de Bach réunis pour questionner le « romantique » Couperin.
Restait à comprendre son instrument. Le mordant du clavecin, sa disparité d'un
registre à l'autre, sa vocalité propre (passant par l’ornementation), les grands
gestes improvisatoires induits par les préludes non mesurés », l’élan vif qu'il
peut donner aux danses, trouvent sur le Yamaha du jeune Russe des réponses
brillantes. On sait dès le vaste Prélude enré mineur que Pave]
Kolesnikov va exploiter en profondeur les ressources de l’instrument moderne, et
développer une temporalité dictée par les résonances. Son toucher ne risque à
aucun moment d’épaissir l'écriture ou de grossir le trait, et nous mène avec
persuasion dans les méandres de ces polyphonies ponctuées de frémissantes
interrogations. Ici, le détail mélodique des allemandes fournit une équivalence
efficace à la paisible résonance d’un clavecin. Là, c'est toute une,
efflorescence ornementale qui définit le caractère. La mobilité des courantes
(qui ont peu à voit, avec celles de Bach) est suggérée par une inégalité souple
et nullement systématique.
La Chaconne en fa et ses divines suspensions, puis la trouble
Passacaille en solmineur, guident vers la rêverie languide du
Tombeaude Blancrocher. Kolesnikov est particulièrement sensible à
l'ambiguïté tonale de cet hommage à un luthiste ami du compositeur, qu'il pare
d'une aura romantique et spirituel le proche des oeuvres puissamment évocatrices
de son compatriote Valentin Silvestrov. C'est à ce croisement que la rencontre
avec Louis Couperin se produit: alors la traduction moderne d'un style ancien
devient aussi convaincante qu'à travers une minutieuse reconstitution
historique.
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