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Outil de traduction (Très approximatif) |
Analyste:
Philippe Ramin Les extravagances concentrées par Christopher Tye dans trente et une miniatures pour consort (une bonne heure en tout) ont nourri la légende d'un compositeur dont la vie, mystérieuse à bien des aspects, est parsemée de zones d'ombre. Si quelques témoignages font état d'un caractère ombrageux et « sujet aux humeurs », les titres de quelques pièces (Trust me, Follow me, Believe me) intriguent davantage. Autant de pistes ouvertes pour orienter des interprètes assez démunis devant une polyphonie déroutante. Tye glisse souvent le lent plain‑chant de l'In Nomine, telle une ligne d'horizon, au coeur d'échanges très élaborés ‑ exercice classique à l'époque, qui est aussi celle des premiers virginalistes. Mais la pièce Sit Fast s'affranchit de toute référence pour synthétiser les recherches les plus singulières du compositeur: superpositions rythmiques dangereusement instables, chocs harmoniques, et cette obsession de la technique imitative qui firent l'objet de critiques virulentes. L'ensemble néerlandais The Spirit of Gambo, déjà distingué en 2009 dans un disque Jenkins, insuffle à son intégrale une tout autre sensibilité que les experts de Phantasm (dont l'album renferme une brillante notice de Laurence Dreyfus). Ces derniers appliquent une grille de lecture désormais familière où la transparence du contrepoint est le fruit d'un dosage sonore très calculé et contrôlé. Sur ces cimes éthérées règnent l'ascèse et une mise à distance de l'affect. Une lecture objective, solidement charpentée, où l'In Nomine à quatre sonne avec l'égalité d'un jeu d'orgue et où la seconde partie de Seldom sene évoque ces rouages fascinants des horloges ancienne Présentées en toute transparence, les bizarreries de l'écriture passent comme une lettre à la poste. The Spirit of Gambo interroge plus subjectivement le mystère de ce langage. Des tempos plus retenus leur permettent d'explorer les effets hypnotiques d'une écriture en déséquilibre savant. Les notes répétées où Phantasm voyait une simple figure de style (In Nomine Crye, O Lux Beata) deviennent autant d'appels poignants sortant des ténèbres qui se dissolvent dans un tourbillon halluciné. Les textures rythmiques extraordinaires de Sit Fast, la respiration organique du contrepoint, l'imagination dans la mise en scène des timbres offrent à l'auditeur une fresque infiniment colorée et d'une irrésistible sensualité. Les instruments joués par ce consort (cf. la notice) s'avèrent propices à de somptueux clairs‑obscurs et le degré de raffinement du détail se fait oublier dans la magie du tableau sonore. La soprano Claron McFadden se faufile dans l’In Nomine à six et le In Pace. L'auditeur retient son souffle. Une aventure sonore, où la beauté instrumentale est transcendée dans l'ivresse et la mélancolie. |
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